Le Vrai SantiagoAvril 2002

Un autre visage de santiago


Tout comme Ushuaia, Buenos Aires est difficile a quitter. Il semblerait que
ce soit le propre des villes argentines et de leur ambiance incomparable, il
suffit d'y connaitre des gens pour ne plus vouloir en partir. Mais Santiago
m'appelle, j'y ai laisse des affaires chez Giuliana et Luigi, qu'eux memes
ont du confier a un de leurs amis. Ils ont definitivement quitte le Chili
pour le Perou, et mes affaires m'attendent chez Gemini depuis plus d'un
mois!

Santiago m'offre un tout autre visage qu'en fevrier. Je loge cette fois-ci
au centre ville, et decouvre les aspects de la ville tant de fois decries :
pollution, bruit, et stress propres aux capitales. Depuis le barrio
tranquille de Nunoa, je n'en voyais rien, mais vu de la Plaza Brazil, je
dois me rendre a l'evidence, ce n'etait pas un mythe!

Je quitte bien vite le centre pour les quartiers plus tanquilles de Las
Condes, chez Benoit et Celine, qui me convient a une soiree alsaco-chilienne
en bonne et due forme : meme les soit-disant chiliens sont d'origine
alsacienne, on les demasque bien vite! Puis je decouvre Providencia, autre
quartier residentiel, ou loge Gemini. Contrairement a Giuliana et Luigi, lui
ne se sent pas rappele par le Perou. Ce n'est pas parce que son pays est
revenu a une relative stabilite economique et que le terrorisme est eradique
(ou presque : la semaine derniere a vu une resurgence d'actes terroristes a
Lima) qu'il envisage de rentrer pour autant. Il est proprietaire d'une
petite boutique de souvenirs a Santiago, donne des cours d'espagnol aux
touristes, et est traducteur independant a ses heures perdues. Meme si toute
sa famille est restee au Perou, il est trop bien installe pour tout laisser
derriere lui.

Enfin, je fais le tour de tous les autres barrios de la ville... en bus de
ramassage scolaire! J'ai retrouve Patrizio, le guide de Puerto Mont avec
lequel j'avais decouvert Chiloe et la region des lacs. Il n'est pas sous
contrat pendant ces 4 jours ni envoye par une quelconque agence de voyage
pour sillonner le Chili avec un groupe d'americains obeses. J'ai de la
chance, il se trouve justement a Santiago en meme temps que moi. Lorsqu'il
n'a pas de contrat, il aide son cousin dans son activite de ramasseur
scolaire. Je passe donc la journee avec lui a decouvrir tous les barrios,
surtout les plus pauvres, ou il va chercher des enfants de 5 a 15 ans pour
les amener a l'ecole du centre ville.

Les familles de ces barrios pauvres se saignent pour envoyer leurs enfants
dans les ecoles du centre et non dans celles des barrios, seul moyen pour
elles de les sortir de leur milieu. Les parents paient 80 dollars par mois
et par enfant pour leur assurer leur scolarite dans ces ecoles plus
reputees. A cela s'ajoute le cout des livres et du ramassage scolaire, ce
qui represente une petite fortune.

Le Chili fait actuellement office d'eleve modele au sein de l'Amerique
Latine, surtout depuis la crise argentine qui le laisse en bon premier de la
classe et sans concurrent direct. Mais il rste deux points noirs dans le
developpement du pays : l'education et la sante. Sur le chapitre de
l'education, la "libraire-danseuse" avec laquelle je passe ma derniere
soiree me renseigne plus encore. C'est un systeme d'elitisme financier tout
droit inspire des USA.

Elle, Marcella, est proprietaire d'une caverne d'Ali Baba miniature, ou se
cotoient livres d'occasion et pendules en argent, batons d'encens et CDs
pirates, visages d'incas en plaque or... Elle est danseuse professionnelle,
mais vend des livres et autres babioles dans son espece de foirfouille
litteraire, "pour pouvoir continuer a danser", me dit elle. Je ne comprends
pas vraiment comment elle rentre dans ses fonds, a la voir offrir des
cadeaux a tous ses clients, remettre des livres scolaires a ceux qui ne
peuvent pas se les payer.. et m'exposer sa conception du monde pendant des
heures plutot que de faire l'article de ses livres!

A la difference de Patrizio, elle est assez pessimiste par rapport aux
perspectives du Chili. Comme en Argentine, les richesses (cuivre, surtout)
sont dans des mains etrangeres. Comme en Argentine, le menage n'a pas ete
fait apres la dictature militaire; comme en Argentine, le gouvernement
actuel n'est pas credible; et comme en Argentine enfin, la corruption est
toujours a l'ordre du jour.

 

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