LAOS

(29/11- 10/12/2001)

On the boat (1)

Arrivées a Chiang Khong, ville frontière avec le Laos, nous avons le choix entre rester y passer la nuit et franchir la frontiere le lendemain matin, ou prendre le ferry tout de suite pour Ban Houey Xai, ville frontière du cote Laos.

Cela revient au même, puisque le bateau qui nous mènera a Luang Prabang ne part que le lendemain matin a 10h. Nous optons donc pour la première solution, afin de nous offrir une soirée vidéo de série B avec nos nouveaux amis les English Boys (cela restera leur nom de scène). En effet, le DVD est l'une des plus belles options que propose la SP Guesthouse à Chiang Khong pour apater le touriste indécis, à cheval entre les deux pays! Au programme lamentable, on comptera : Indiana Jones 2, Scary Movie, Studio 54.. Et peut-être le bien le Cinquième Elément, mais je ne suis pas sure, assommée par la Singha Beer qui va de paire avec cette soirée hautement culturelle! C'est pitoyable, mais ca fait du bien de retrouver la médiocrite bien de chez nous. Il arrive que la nostalgie aille aussi loin!

Le lendemain matin, nous partons comme prévu pour le Laos, par voie fluviale. Découverte du Laos sur le Mekong. Nous sommes sur ce qu'ils appellent le "slow boat", qui ne l'est pas du tout, mais est appelé ainsi par opposition au speed boat, espèce de zodiac à haute vitesse, où les touristes sont par brochettes de 6, armés de casques et de gilets de sauvetage et ne voient rien du paysage. Le slow boat est au contraire un rêve de moyen de transport. Il s'agit de longues barques à moteur où entrent une vingtaine de passagers. Le voyage dure deux jours, deux fois 6 heures entrecoupées d'une nuit en guest house à Pakbeng, village côtier.

C'est sur ce bateau que se formera ce que Jeanne appellera dans quelques jours "la colonie de vacances". Comme lors du trek, il s'agit d'un amalgame de gens de tous horizons, que rien ne rapproche à priori si ce n'est l'amour du voyage. Mais la différence est de taille, parce que la diversité devient bientot complémentarité et enrichissement. Il ne s'agit plus de l'insurmontable gouffre culturel que nous déplorions avec les canadiens du trek, mais d'horizons différents qui mènent pourtant à une philosophie de vie assez comparable. Et pourtant, il fallait bien ces deux jours d'autarcie sur le bateau pour s'en rendre compte, cela ne sautait pas au yeux!

La colonie se compose :
-des 4 english boys, qui sont à la fin de leur tour du monde de 1,5 ans. Ben, le plus extraverti du groupe, a voyagé un an en Australie pour tourner des minifilms qui l'attendent en Angleterre dans le frigo de sa mère, avant d'etre dérushés. Marionnettiste à la base, il termine ses études de cinéaste et nous annonce avec fierté avoir animé un des poulets de "Chicken Run" lors du tournage du film.
Matt est le Don Juan de la bande, yeux de biche et petit sourire timide. Dany l'Ecossais joue les boucs- émissaires, raillé en permanence pour son accent glasgowite ("Tu parles bien l'anglais, pour un russe!"). Quant au quatrième mousquetaire quasi muet, nous mettrons une bonne semaine avant de savoir qu'il s'appelle Martin. Il commencera à se dérider vers la fin du séjour.

- deux sud-africaines, Bridget et Denise, accompagnées de l'anglaise Jo.
Bridget, avec ses énormes yeux bleus et ses deux mini-couettes brunes, rappelle beaucoup les héroines de dessins animés de notre enfance. Jeanne lui trouve un petit air de Candy, moi je la verrais assez dans un manga, surtout lorsqu'elle s'habille de son Fisherman's Pant! Mais il ne faut pas s'y fier, sous ses airs de poupée russe, elle a travaillé les 5 dernières années d'arrache-pied dans une banque d'investissement à New York, Londres et Capetown. Comme moi, elle vient de démissionner sans grand regret, et envisage une reconversion a 180 degrés : se lancer dans des études de psy, avec une spécialisation dans la thérapie de couples! Un vaste marché s'offre à elle, elle fera sans doute bien plus fortune que dans la banque!
Denise a un peu le même profil, mais fait le chemin inverse. Après des études de statistiques, elle a enseigné dans les écoles Montessori (pédagogie expérimentale, à rapprocher des écoles Steiner) pour les enfants de 3 a 6 ans. Au bout de trois ans d'enseignement, qu'elle a adorés mais qui l'ont un peu usée, elle se dit prête à passer à autre chose et à revenir au commerce! Tous les chemins mènent a Rome.. Ou au Laos, en l'ocurrence!
Jo s'est rajoutée d'office au duo Bridget-Denise, amies d'enfance, depuis qu'elle les a rencontrées à Chiang Mai. Elle voyage aussi depuis plusieurs mois, indépendemment de tout employeur puisque masseuse indépendante. Elle aussi s'est élaboré un look très etudié, entre piercing sur la langue et T-Shirts presque inexistants. Mais elle est d'une extreme gentillesse.
Fred et Seb sont les deux frenchy, deux bretons qui ne se connaissaient pas avant de prendre le bateau. Jeanne sympathise bien plus avec Seb, à croire qu'il y a un déterminisme du prénom! Fred en revanche ne fera pas long feu dans la colonie, préférant tenter sa chance avec une américaine labellée "à eviter" à l'unanimité!

A ce noyau dur se rajoutent les satellites incontournables. Brad,le canadien et Daniel, l'Argentin, qui commencent à fumer n'importe quoi dès le petit-déjeuner, restent dans un coma permanent. Mais Daniel à l'avantage de jouer de la guitare, ce qui est bien agréable pendant ces deux jours de bateau. Ben aussi joue bien, avec un répertoire plus fidèle à sa nature d'anglais dans le vent : Oasis sans discontinuer, évidemment!

On the boat (2)

On the boat, je me mets à lire "On the road" de Jack Kerouac, un must paraît-il pour les globe-trotters de tous pays. Un livre culte pour les english boys, mais ça ne le deviendra vraiment pas pour moi. Impossible de perséverer tellement ça m'ennuie!

D'autant qu'il y a des activités nettement plus passionnantes sur le bateau, comme partir en excursion aux toilettes, jeu favori de Jeanne. Les toilettes consistent en un trou dans la cale à l'autre bout de la barque, et l'on doit ramper entre les moteurs et les sacs entassés pour les atteindre. Si on les atteint sans bleu, la bosse ne tardera pas pourtant lorsque l'on se retrouve dans 50 cm cubes pliés en 8 pour essayer de se trouver au dessus d'un trou que l'on devine à peine.. Je laisse l'héroisme à Jeanne, moi je ne tenterai pas la grande aventure souvent!

L'autre manière de passer le temps est d'écouter Ben débiter ses scénarios de films à base des personnages du bateau. Ben est un one-man-show ambulant qui ne marque jamais de pause. Il parvient à broder des histoires abracadabrantes à partir de toute observation. Une graine de star. Son délire du jour part sur le contenu du carnet de bord de Jeanne, qu'elle commence à griffonner. "Mais que peut-elle bien écrire??". Partant du postulat qu'elle élabore un plan diabolique pour assassiner l'ensemble de l'équipée, il est sûr qu'elle a déjà tout fomenté au petit-déjeuner, prenant l'air faussement endormi. Puis il nous fait un remake de Mort sur le Nil, avec les French Girls dans le role des premiers cadavres!

L'ambiance est aux fous-rires, magnifique complément à l'atmosphère féerique des premiers paysages laotiens qui défilent devant nous. Toute la descente du Mekong est fantastique. Les rives sont de mille verts chatoyants, les forêts luxuriantes encadrent des falaises abruptes, les montagnes champignons semblent posées par hasard au milieu de nulle part. Les villages sont loin de tout, composés d'une dizaine de maisons sur pilotis tout au plus, en bambou, rudimentaires. Tout parait bien plus authentique que les faux villages karen rejoués pour le touriste à Chiang Mai! Des rapides, des plages de sable fin, quelques rochers.. L'émerveillement ne cessera pas de toute la traversée.


Luang Prabang

Nous arrivons à Luang Prabang le 1er décembre. L'ancienne capitale royale ressemble bien plus à un village qu'à une ville. On n'y recense que 20.000 habitants, périphérie incluse. Les routes goudronnées se comptent sur les doigts d'une main, et pour la plupart, ce sont plutot d'étroites ruelles de terre et de caillous. C'est particulièrement le cas dans le quartier de notre guesthouse sur la rive du Mekong.

La ville est classée "Patrimoine de l'humanité" par l'Unesco, ce qui lui garantit une certaine protection face aux projets d'urbanisme débridés. Des lois interdisent le développement sauvage, le financement incontrolé, et l'aménagement à tout va. Elle garde ainsi une allure de ville coloniale du début du siecle, un rythme de vie nonchalant en dépit de la profusion de motos et tuk-tuks qui supplantent tout autre moyen de transport.

Les Laotiens paraissent encore imprégnés de l'influence francaise, plus proches de nous à mon sens que les Birmans ou les Thailandais. Et puis surtout, ils ont gardé une tradition française de choix : la baguette du petit-déjeuner! Nous ne nous lasserons pas d'en consommer à outrance jusqu'à la fin du séjour. Jeanne me rappelle au bout de quelques jours : "Le Cambodge aussi, il a été envahi par les Français, non?"
- oui, pourquoi?
- chouette! On aura de la baguette!"

C'est ce qui s'appelle revisiter l'histoire par l'estomac! Nous serions tres fortes à ce petit jeu-là. Il faudrait songer à développer un enseignement alternatif de l'histoire, pour intéresser nos chérubins. Les passionner par la voie des sens, ça changerait toutes les perspectives. "Et qui a introduit le cacao en Europe? Quelle céréale a contré les risques de famine en Asie?", et ainsi de suite, avec à chaque réponse juste, le cadeau bonus de son poids en chocolat ou en riz soufflé! (je devrais me reconvertir en recteur, on atteindrait les 95% de réussite au bac!)

Le coucher de soleil sur la ville depuis le Mont Phousi, petite colline surmontée d'un wat au milieu de la ville, est un autre grand moment des journées de Luang Prabang. Les moines l'ont bien compris aussi, et forment un barrage infranchissable des 17h, une armée de tauges orangées pour extorquer 8000 kips au visiteur romantique! Mais une vue sur le Mekong scintillant et la ville dans un clair-obscur éthéré, cela justifie amplement cette petite fortune.. 6 FRF tout au plus!
Ah oui, parce que pour info, un billet en kips, cela vaut moins que des billets de monopoly! Pour 100 dollars, je me retrouve avec deux liasses de billets dignes des mallettes des parrains de la mafia. J'ai entre les mains la modique somme de... 960.000 kips!

Le kip est une monnaie tellement faible que les banques locales elles-mêmes refusent de nous les reprendre, lorsque nous quittons le Laos, pour nous les changer en bahts. Il faudra attendre le poste frontière pour avoir une chance de nous en débarasser.
Et puis, à propos d'argent, je pense que ni Jeanne ni moi n'aurons de mal à nous acclimater à l'Euro en rentrant. Nous commencons à être tres fortes au petit jeu : "Et combien de bahts font 8170 kiats en partant du principe que le dollar vaut 9600 kips et que le franc est à 7,8 dollars et un franc fait 6,559567 euros?"


Méditation transcendentale

La première journée à Luang Prabang, nous repartons pour notre activité favorite : le "watting". L'expression me fait bien rire, lorsque je la lis pour la première fois dans le guide. Après le shopping, le jogging, voici le watting. Autrement dit, après le lèche-vitrine, le lèche-temple!

Encore une fois, nous avons l'occasion de discuter avec de jeunes moines communicatifs. Ils sont heureux de répondre à nos questions sur les différences de pratique et d'enseignement entre les pays d'Asie. Leur niveau d'anglais est exceptionnel comparé à celui des moines birmans. L'étonnant pourtant est que les moines laotiens poursuivent souvent leur formation supérieure au Myanmar. Mais l'explication est simple, au fond : le gouvernement birman s'oppose de manière insidieuse à l'apprentissage de l'anglais pour les moines (seuls des profs privés leur dispensent des cours de langue, et ils en ont rarement les moyens), alors qu'ils encouragent la renommée du Myanmar pour tout ce qui concerne la ferveur religieuse. C'est ainsi que le pays conserve une place de premier rang dans le cursus religieux des moines, grâce à la formation tres poussée dispensée en Pali-sanscrit (la langue des écritures bouddhiques).

Au-delà du Myanmar, les moines laotiens sont souvent envoyés dans les universités thailandaises, vietnamiennes... Voire américaines, fonction des notes reçues à l'examen final. Nous aurons beau demander plusieurs fois "qui finance?", nous n'aurons pas de réponse. Difficile d'envisager que le Laos puisse financer des programmes Erasmus!

En tout cas, les apprentis moines (les "novices")qui nous expliquent tout ça confessent ne pas vouloir forcément devenir moines. Le cursus est long et douloureux. Le novice n'a que 10 règles de base à suivre, alors que le moine confirmé en a 217. De plus, ils se lèvent chaque matin à 4h pour méditer entre 4 et 5h, pour que leur séance ne soit pas troublée par le traffic automobile (pourtant tellement limité, étrange que cela puisse les déranger.. pas étonnant que le bouddhisme n'ait pas percé à Paris!). Ils ont ensuite des cours de 12h à 17h, puis prient jusqu'à 19h, puis font leurs devoirs.. Et se couchent vers 23h, pour se relever à 4. Le rythme est encore plus drastique qu'au Myanmar. Ils répètent tous, l'air grave : "very difficult, very difficult". Mais gardent le sourire, une joie de vivre rafraichissante.

Je les lance sur le sujet de la méditation, en leur exprimant mon intéret. L'un d'eux se propose pour m'enseigner les bases. Il me donne rendez-vous le soir même, après leur prière. Je manque le rendez-vous le premier soir, dépitée, mais y retourne le lendemain, à la recherche de mon futur mentor. Introuvable, évidemment, tous les chats sont gris après 18h, et tous les moines sont oranges. Bref, je m'apprête a rentrer penaude, lorsqu'un très petit moine m'accoste, et me demande l'objet de ma recherche. Comprenant ma requête, il décide de jouer lui-même les guides spirituels. Nous partons donc pour une séance de méditation dans l'un des wats adjacents.

Je lutte contre la crise de fou-rire qui me gagne lorsque je me retrouve assise en tailleur à cote du tout petit moine, partie pour répéter 3 mots à l'infini en inspirant ou expirant à chaque mot. Voila le principe et le grand-secret de la méditation, je vous le livre en avant-première : inspirer et expirer! Si ce n'était que ca, autant faire du yoga, pourquoi se raser la tête?! Mais non, je synthétise, il faut aussi se concentrer sur son corps et anéantir toute pensée. Voila, vous savez tout et le tour est joué!

De mon côté, je m'entraine avec volonté, annonant pendant 30 minutes "Phu to, Tham mo, Sung Kho". Heureusement, je suis sauvée par le gong, le moine en chef vient réquisitionner le wat pour un meeting de moines au sommet! Je promets à mon petit gourou de revenir m'entrainer le lendemain. Ce que je fais, pensant apprendre une seconde technique infaillible. Mais non, me voila repartie pour un tour de "Phu to, Tham mo, sung Kho". Il faut s'en-trai-ner, ma bonne dame! Passage indispensable et obligé avant que mon pédagogue ne passe à l'etape supérieure et m'enseigne la "walking meditation"...ou l'art de parcourir 10 mètres en trois heures. Et ce n'est qu'à force d'entrainement que je deviendrai une "peaceful person"!
Pour s'assurer que je ne pique pas du nez, risque fréquent chez les moines, signale t-il, il me regarde méditer pendant 20 minutes. La torture!

Une conclusion s'impose : la voie de la sagesse est longue et pavée de piquages de nez... Ce n'est pas encore gagné!

Bref, moitié hilare, moitié depitée, je rejoins Jeanne qui est bien plus peaceful que moi apres son hammam, où elle a fait la connaissance d'un délicieux allemand en pagne.
Et nous partons de concert retrouver la voie de la sagesse au fond de nos chopes de bière, avec notre nouvelle colonie de vacance!


Nos amis les coqs

"On va égorger quelques coqs?", me demande Jeanne avant de se coucher.
Ce ne serait pas de refus, si j'arrivais à me battre contre la volaille mieux qu'avec les cafards, mais ce n'est malheureusement pas le cas! Ca nous ferait des vacances pourtant, une nuit passée sans ces atroces volatiles. Les coqs laotiens sont absolument redoutables!

Nous nous lançons dans le bilan des coqs rencontrés depuis le début du séjour, pour décerner les médailles du grand jeu "Interville des Coqs".
La médaille d'or revient sans hésiter aux coqs de Pakbeng, postés sadiquement juste sous nos têtes. Nous nous trouvions dans une chambre aux murs de bambou et au rez-de-chaussée, qui tronait au beau milieu d'une longue terrasse remplie de coqs. Un reveil-matin coincé sur "replay" dès 2h du matin rejouait à l'infini son hurlement tonitrant, pour le cas où on aurait pu se rendormir.
La médaille d'argent va aux coqs de Chiang Mai, assez en forme aussi, avec une incroyable voix éraillée qui porte très loin. Peut-être a-t-il avalé une grenouille pour arriver à cette performance de voix.. Auquel cas il sera disqualifié, c'est pire que du dopage, ca. Nous ne saurons accepter ce genre de pratiques déloyales dans nos équipes!
Le bronze, enfin, revient aux coqs de Chiang Rai, avec une distinction spéciale pour le coq religieux, qui se lève en meme temps que les moines!

Mais dans un désir d'équité inter-pays, il faudrait placer en concurrence les coqs de toutes les nations. Apres Interville, le gagnant de chaque pays sera sélectionné pour l'Eurovision. Et une dédicace spéciale pour Aviva, que nous remercions encore une fois d'être fidèle a ce grand jeu concours comme chaque année! (Mais cette fois-ci, les coqs travestis ne seront plus acceptés, non mais!).

Coqs birmans, laos et thai s'affrontent à 4h du matin. Et c'est à celui dont le cocorico traversera les frontières que nous décernerons la Crête d'Or. Les birmans sont trop maigres pour gagner, pas assez de coffre. Les thais sont les plus matinaux. Mais ce sont les laotiens qui les supplantent tous par la portée du cri, tonitruant et déchirant la nuit du Nord au Sud. Jeanne les imite assez bien, d'ailleurs, surtout au lever avec sa douce voix de fumeuse!

Bon, eh bien à l'unanimite, le jury Jeanne/Hélène s'est prononcé par deux voix à zéro pour le coq laotien, la plus grande nuisance entre toutes!

Et pour sauter du coq à l'ane (ha ha, désolée, ca va pas bien ce soir!), notre grand concours Eurovision devrait aussi inclure les chiens sauvages, les chats en chaleur et les grenouilles posées au-dessus de la tête de Jeanne qui hurle quand je m'endors... Mais nous en resterons là, car cela deviendrait dur de départager les grands vainqueurs!


Chutes d'eau des environs de Luang Prabang


Tout le monde nous parle de ces fameuses chutes d'eau, à 1h de route de Luang Prabang. Mais nous hésitons longuement avant de nous lancer dans l'excursion. Des "wonderful waterfall", on nous en a déjà promis il n'y a pas si longtemps à Chiang Mai, et elles ne valaient même pas la chute du Nideck! Mais on se laisse finalement convaincre par Yvette, qui a déjà rallié une de ses compatriotes pour partager les frais du tuk-tuk.
Yvette s'est équipée d'un bandeau vert à paillettes et de pantalons moulants à pattes d'eph pour aller patauger dans les waterfalls. C'est toujours surprenant, mais on finit par s'y faire! D'ailleurs, Jeanne qui est tres versée dans l'art d'associer prénoms et couleurs, me dit a l'instant : "- Quel nom, Yvette! Mais ca lui va bien!
- Parce qu'elle est rousse, et que Yvette Horner? repliquai-je?
- non, parce que Yvette... crevette!
- Ah! Bien sur! ça va de soi!!"

Nous ne regretterons pas d'avoir entrepris l'excursion. Le site est magnifique, sans comparaison avec la grande arnaque de Chiang Mai. Nous y arrivons a nouveau grimées comme des ramoneuses de circonstance, après une heure de tuk-tuk sur les pires chemins de terre. Les lunettes de soleil sont un bon indicateur du nombre de centimètres de crasse que nous avons sur la peau. C'est plus facile à déterminer que sur nos visages et nos bras mi-bronzés, mi-crados. Ce jour-la, les lunettes crado-mètres indiquent deux bons centimètres!

Le tuk-tuk nous dépose à quelques centaines de mètres au pied des chutes. Pour y accéder, on avance dans la jungle, presque à la machette, dans la boue, trous et flaques d'eau formées à base d'escaliers de chutes d'eau. Nous dégainons les tongs, toujours à proximité dans nos sacs à dos. La tong birmane, c'est l'arme fatale! Même James Bond n'y avait pas pensé.. et pourtant, Sean Connery en tongs, on en parlerait encore aujourd'hui, non?!
Ceci dit, même elles menacent de nous faire faux bon. Elles s'embourbent dans les flaques, et lorsque nous ressortons nos pieds des marécages, elles n'y sont plus. Immergées dans la gadoue, il faut ratisser les flaques des deux mains pour les retrouver. De temps en temps, on déterre une vieille tong demeurée la longtemps après le départ de son propriétaire, mais c'est plus dur de retrouver les nôtres!

Arrivées à un premier niveau d'eau turquoise, blue lagoon de toute beauté, nous nous changeons derrière une petite cabine de bambou, et revêtons nos maillots de bain (autre arme fatale, surtout le mien quand on se rappelle de quoi il a l'air!) pour aller barboter dans l'eau glacée, splendidement limpide mais tapissée de nuées d'araignées d'eau. Au niveau des changements d'étage, les chutes se font plus violentes, et on a droit à un massage dorsal tonifiant, version 100% naturelle des thermes de Caracala!

Puis on décide de tenter l'ascention des chutes, pour aller contempler tous les niveaux du haut. L'aventure continue, on s'enfonce dans la jungle, les ronces, les marais. Tout est de plus en plus raide, de plus en plus glissant. Aucune balise, des dizaines de petits sentiers partent dans toutes les directions. Ce sont certainement de fausses pistes démarrées par des touristes aussi perdus que nous. Nous pataugeons pieds nus, les tongs se sont rendues, grand-écarts sur des roches détrempées, mon bermuda en toile se déchire d'un crac net et précis. Et dire qu'il n'avait que deux semaines, et que je louais sa légèrete ce matin encore!

C'est comme toujours la crasse qui l'emporte, je ressemble a une statue d'argile échappée d'une porcherie! A cote de moi, Huckleberry Finn est un dandy pour salons parisiens! Nous rencontrons un francais pendant l'ascention, vieux scientifique parti à la chasse aux clichés sur la faune locale. Il me jette un regard de l'air écoeuré du versaillais face à un SDF. Voyant mon hésitation devant une nouvelle flaque d'eau d'un mètre de profondeur, il me lance, condescendant : "Oh, bien, allez-y, vous n'êtes pas à ça prêt!". Merci, ça fait toujours plaisir!

Jeanne pousse le ohhhohhhohooohoooohooo de toute Jeanne de la jungle qui se respecte, lorsqu'elle rencontre sa première liane...Et nous reprenons la route.

Au bout de deux heures d'errance, nous ne saurons toujours pas si nous avons trouvé le niveau final. Ce qui est sur, c'est que les tours et détours dans la vase commencent à suffir... Et que nous venons enfin de découvrir une vue imprenable sur plusieurs niveaux de chutes.
Final ou pas final, c'est magnifique, et rarement panorama nous aura semblé plus impressionnant!


Petit bilan vestimentaire

Le voyage assure un renouvellement naturel et continu de la garde-robe. Apres deux mois de pertes, déchirures, tâches de boue et autres substances indélébiles, il faut bien songer à se relooker. J'hésite encore entre les pattes d'eph d'Yvette, les mini T-shirts explosés de Jo, le longyi birman ou le fisherman's pants thai. Je vous laisse deviner a quoi ressemble ma reconversion vestimentaire! (il y aura les photos de Jeanne à l'appui!)

Depuis le début du voyage, je déplore la perte de 2 pulls, une paire de chaussures de marche, deux chapeaux de paille et mon nouveau bob haute couture (!). J'ai à mon grand regret dû sacrifier aussi le divin pantalon à carreaux verts et blancs de Claude (mea culpa, mais le père Noel ne t'oubliera pas cette année!) après le trek de Kalaw, que les sangsues ont maculé de sang ; déchiré mon nouveau bermuda de toile rouge acquis avec fierté à Chatuchak, lors de mes figures de haute voltige dans les mare de boue ; laissé envoler ma serviette de bain par dessus la balustrade de la guest house en la faisant sécher ; perdu ma première paire de lunettes de taupe dès les premières semaines, à Pindaya. Heureusement, la seconde paire a été sauvé de justesse par Seb, mon héros, suite à un plongeon dans la rivière de Vang Vieng des plus intelligents... lunettes sur le nez!

Suite au prochain épisode.. Je vous tiendrai bien sûr au courant des avancées de mon relookage intégral!


Départ pour Vang Vieng

Difficile de repartir de Luang Prabang, il fait tellement bon y vivre, les Laotiens sont ouverts et souriants, les cafés le long du Mekong nous préparent des lassis de bananes et de papaye tout au long de la journée et les couchers de soleil n'en finissent pas.
La colonie de vacances bon enfant se retrouve à toutes les terrasses, ses membres s'apprécient de plus en plus, et personne ne semble vouloir donner le coup d'envoi pour reprendre la route.

On se décide pourtant un beau matin, pas trop rapidement quand même, nous ne prendrons le bus pour Vang Vieng que vers midi, manquant ainsi nos nouvaux amis plus matinaux que nous. Mais cela fait une semaine que nous nous suivons sans nous consulter, nous sommes a peu pres sûres de les retrouver à Vang Vieng au détour d'une ruelle. Et cela ne manque pas, à peine un pied dans Vang Vieng et nous retrouvons Sébastien sur une terrasse de restaurant indien, les English boys devant Rambo 3, et les sudafricaines assises en tailleur dans une terrasse sur pilotis! Bref, nous sommes au complet, et nous réiterons pour la dernière fois l'effet groupe avant de nous quitter définitivement en partant pour Vientiane.

Mais avant de parler de Vang Vieng, il me faut évoquer ce fantastique trajet de bus entre Luang Prabang et Vang Vieng. Le départ est un peu surnaturel déjà, la station de bus se trouve à l'extérieur de la ville, dans un parking désaffecté et sablonneux. Un trio d'israéliens entre après nous dans le bus, habillés discos, couleurs psychédéliques et coupe de cheveux Jackson Five. Aucun des accessoires du look trendy ne fait défaut : lunettes aux verres fumés rouges fluos, piercings sur la langue et les paupières, bandeau diadème à paillettes scintillantes. Jeanne s'exclame : "On tourne un remake de Priscilla folle du désert". Exactement ca! Tout y est, le paysage, les personnages, l'aventure peut commencer!

La route que nous empruntons est la fameuse Route 13, très réputée pour la beauté de ses paysages, mais aussi pour avoir été à maintes reprises le théâtre de vols à main armée, d'embuscades de pirates de la route qui auraient détroussé des touristes. C'est évidemment le lieu parfait pour ça, la route de montagne est très sinueuse, traverse peu de villages, et est bordée par endroits de ravins menaçants où la chute serait fatale. Les bus utilisés sont rudimentaires, incapables d'accélérer en cas d'attaque, et leur vitesse de pointe dans les montées doit avoisiner les 30 km/h, avec de l'élan. Une proie facile, autrement dit. C'est toute cette contre-publicité qui a incité beaucoup de touristes à prendre un vol intérieur entre Vientiane et Luang Prabang, plutôt que risquer le trajet. Mais quel dommage de manquer ça.

La beauté de cette route est le pendant par voie terrestre de ce que nous avons pu voir par voie fluviale, en decendant le Mekong. C'est tout simplement incroyable, Jeanne et moi n'échangeons plus un mot, en extase devant le relief qui défile. On en oublie presque l'inconfort de nos sièges, et l'atroce klaxon qui retentit à chaque virage. Notre chauffeur de bus a certainement suivi une formation complémentaire au Myanmar, pour être aussi excité du klaxon. Et un klaxon trafiqué, pour réveiller les morts! En Asie, ils ne trafiquent pas les pots d'échappement pour les faire pétarader devant les filles, mais les klaxons, pour assassiner les poules (les vraies, pas de mauvais jeu de mot) au milieu de la route par crise cardiaque. Pas besoin de leur passer sur le corps, ils suffit de klaxonner!
C'en est à un tel point que Jeanne et moi avons recours aux boules kies pour la premiere fois dans un bus, pour éviter de sauter au plafond à chaque coup de klaxon! Mais elles ne servent pas a grand chose. Il faudrait une triple épaisseur pour ne plus entendre la musique lao crachée dans des hauts-parleurs pleins de friture, associée à un klaxon à décorner un buffle!
De plus, les locaux fument sans complexe, la loi anti-fumeurs dans les lieux publics sera peut-être introduite dans 50 ans et encore, je suis sceptique. Bref, on poursuit lose travel, et dois-je préciser qu'on n'a toujours pas réussi à dépasser la place 46, toujours à l'arrière des bus pour mieux jouer au ballon sauteur, on ne change pas une formule qui gagne!

Mais les montagnes se succèdent, abruptes, ciselées, les scènes de vie quotidienne que nous attrapons au vol refont bien vite passer ces petits soucis materiels au second plan. L'allure d'escargot du bus nous laisse le temps de contempler les villages en bord de route. Les habitants qui se lavent dans les ruisseaux, à moitié nus quand nous passons, les enfants sales mais pleins de vie qui saluent le passage du bus par des "hello" lancés à pleins poumons, des petites filles de 5 ans qui portent le dernier-né de la famille en bandoulière. Les enfants sont réquisitionnés dès le plus jeune âge pour tous les travaux manuels, sécher des chilis, nouer des gerbes de blé ou de bambou, porter l'eau. Ils sont adultes à 6 ans.


Humour international

Parmi les autres touristes à mentionner, n'oublions pas cette fameuse blonde, muse des blagues de tous pays, qui nous permettra de trouver une nouvelle occupation passionnante dans le bus : la conception de blagues par simple observation.
" -Que fait une blonde dans un bus pour prendre le paysage en photo?
-Elle ferme la fenêtre."
10 minutes plus tard : même question, autre réponse :
- elle prend la photo de la fenêtre de son voisin.

"-Que fait une blonde pour écouter son walkman?
-Elle pose ses écouteurs sur son bob"

Mais non, nous n'avons rien contre les blondes, et je vous rappelle que ma Meg Ryan de cousine fait elle aussi partie de cette engeance suspecte!

En tout cas, nous pourrons constater le soir meme en retrouvant les English boys que la discrimination anti-blonde est universelle. A leur raconter les dernières bonnes blagues inventées, nous leur tendons la perche pour découvrir leur repertoire le plus infâmant. La version anglaise est d'un goût plus douteux encore que celle de nos versions françaises. Ou peut-être est-ce lié aux traductions approximatives que Ben nous livre en français? Il est d'ailleurs hilare aussi en essayant de traduire les injures francaises des "ta mère", que Jeanne lui expose avec application. Il hoquettera de rire toute la soirée en répétant : "Your mother naked in front of a supermarket!", l'air menaçant. D'ailleurs, bon élève, il innovera même avec des injures de son cru : "Your mother naked in the guest house", qui le fera hurler de rire, très fier de son invention.

Mais c'est Rambo 3 qui nous vaudra les moments les plus inoubliables. Ben connait toutes les scènes par coeur pour l'avoir etudié en cours de cinéma comme le plus mauvais film de la décennie precedente. Il nous rejouera toutes les scènes et les mimiques de Stallone avant qu'elles n'arrivent, visage déformé et hurlements de bête fauve. Dommage que ces images se perdent... Ce fut du grand art!


Vang Vieng, à la recherche des grottes

Notre première journée à Vang Vieng est magnifique, nous partons à vélo à la découverte des paysages observés avec extase depuis le bus. Nous pédalons sur des routes caillouteuses où nous sommes seuls au monde, nous perdons bien sûr en empruntant des sentiers alternatifs, à la recherche de grottes non balisées. Nous nous enfonçons dans des chemins de terre rouge de plus en plus étroits, a la végétation de plus en plus touffue, parsemée de monticules et de cratères à monter et descendre, a croire que des météorites se sont concertées pour nous corser le passage. En fait, il y a de fortes chances qu'il s'agisse de mines, mais nous préférons oublier cette éventualité pour ne pas trembler au souvenir de tous les dangers emmagasinés dans le sol que nous foulons.

Nous nous lancons les VTT de mains en mains par dessus les cratères, ou les laissons tomber sans ménagement dans les trous du relief, après avoir essuyé de violentes glissades en tongs. Bien sûr, faire du VTT en tong n'est pas la meilleure idée que j'ai eue, mais ce sont les seules chaussures qui me restent et ca vaut toujours mieux que de pédaler pieds nus!

La difficulté du détour en pleine canicule par des sentiers rétrécis se fait vite sentir et nous choisissons finalement de regagner le droit chemin, déclarant forfait pour la visite des grottes. Nous traversons des ponts composés de trois tiges de bambou, c'est de l'équilibrisme de haute précision, nous serons bientôt prêts à monter un spectacle pour enfants du cirque. Chaque pont est investi par des villageois qui nous font payer sa traversée, à l'allée comme au retour, terriblement bien organisés lorsqu'il s'agit de monter une embuscade répondant au doux nom de péage! Pire que le Canal de Suez, tout le monde prétend avoir un droit sur le passage.
De gros camions ne s'en encombrent pas, en tout cas, et franchissent allègrement la rivière sans ralentir, de l'eau jusqu'au pare-brise.

Nous arrivons enfin devant une splendide étendue d'eau turquoise, que nous ne sommes pas les premiers à avoir trouvée : Bridget, Denise et Jo barbottent deja, et de bruyants allemands se balancent au bout d'une liane avant de se laisser tomber par une pirouette sans grace dans la rivière effarouchée.

Bridget et Denise nous indiquent des grottes non loin de la rivière, pas celles que nous cherchions, mais elles feront l'affaire! Pour y accéder, il faut escalader une montagne abrupte tapissée de buissons, plantes rampantes et racines d'arbres saillantes, et se munir de torches frontales pour se jeter dans la gueule du loup. Au bout de la grotte nous attendent sagement un bouddha couché, des chauves-souris endormies, et des stalactites géants... qui rappellent étrangement à Jeanne des visages de films d'horreur ravagés par l'acide! Sympathique vision, pas envie de s'éterniser!

Sur le chemin du retour, des femmes font leur toilette dans les bas-côtés, se lavent avec un filet d'eau, de vieilles femmes surchargées de fagots de bois nous saluent avec des sourires très doux, des hommes poussent des carrioles prêtes à craquer, les enfants crient des "Sabadee" (bonjour)enjoués en effrayant les poules et les dindons qui les entourent. Le soleil se couche lentement sur les rizieres, et tous ces gens seront couchés en meme temps que lui. Il n'y a que l'occident pour avoir oublié de se coucher quand le jour s'achève...


Touristes de base

Nous n'arrivons décidément pas à boucler notre programme comme prévu, chaque ville du Laos nous retient de la même facon, alors que nous voulions descendre rapidement pour retrouver Sébastien (cher et tendre de Jeanne) au Cambodge le 12 décembre.

Vang Vieng ne devait être qu'une étape intermédiaire entre Luang Prabang et Vientiane, une nuit tout au plus, et voila que nous en sommes à trainer les pieds pour partir une fois encore. Pourtant, la ville en elle n'a rien pour plaire, c'est une ville en préfabriqué pour touristes, qui contient plus de guest houses que de maisons familiales. C'est un peu une ville de western, une longue rue de terre recouverte de saloons, où le touriste assoifé se désaltère jusqu'au bout de la nuit. Presque rien d'authentique, une version juste un peu plus soft de Chiang Mai. Mais elle est située dans une zone de nature fantastique, et c'est bien sûr cela qui attire le touriste denué d'instinct grégaire.

Comme le rappelle Denise "I don't wanna be a tourist, but I am a tourist, so let's face it!". Nous en sommes tous là, et affrontons donc cette triste réalite en nous adonnant à la pire activite touristique s'il en est : descente de la rivière et de ses rapides, assises dans des chambres à air!

Mais ne critiquons pas les activites pour touristes basiques, il arrive que ce soit fabuleux. En l'occurrence, nous partons pour trois heures de pur plaisir. Dans les rapides, entourés de montagnes découpées à vif, dans le roc, partiellement recouvertes de forêts, bambous et palmiers, nous dévalons au fil de l'eau. Des buffles, de temps en temps pointent leur museau hors de l'eau quand nous passons a quelques mètres d'eux, enfoncées dans nos bouées. Nous dévalons aussi devant des pêcheurs armés de filets, debouts sur leurs pirogues, qui nous crient des Sabadee amicaux. Sur les rives, des petites files gentillement effrontées, échevelées, nous suivent le long du chemin en riant.

A plusieurs reprises, nous parvenons à nous arrêter sur les bords marécageux en remontant le courant, de la vase jusqu'à mi-cuisses. Il y aurait bien des grottes à visiter à flanc de montagne, des grottes sous-marines. Un bouddha en apnée, j'en avais toujours rêvé. D'ailleurs, au bout de deux mois d'Asie ou presque, le bouddha à palmes et tuba est la seule version qui nous ait échappée!

Mais tous ces trésors sont aménagés et l'entrée est payante, comme toujours. 5000 kips, ce n'est pas la mort, mais pas le moindre kopec dans nos maillots! Pas de visite donc, nous dévalons à nouveau.
Quelques parties de rivière à faible courant, nous flottons paisiblement, descendons sans grand effort. Jeanne se mute en otarie d'eau douce, puis en périscope de guerre; Bridget en tortue, Jo en éléphante. Denise reste gracieuse, moi je dévale en tête, Jeanne m'explique sarcastique que c'est le sort des gros, les lois de la physique sont infaillibles! Mais elle n'a pas achevé sa phrase qu'un courant vangeur la propulse à 10 mètres devant!
Petite partie de pneu-boxe pour s'envoyer valser d'un cote à l'autre de la rivière. Parfois, un rocher plus saillant nous arrache un morceau de fesse sur le passage.
A mi-chemin, nous retrouvons Matt, endormi dans sa bouée. Plus loin encore, Ben et Martin, tout aussi inertes. L'effort est trop intense!

Nous finissons par un coucher de soleil sur l'eau, l'ombre se répand sur nous petit à petit. 17 heures et il fait déjà froid. Heureusement, nous arrivons. Nous posons pied à terre à la hauteur du pont de bambou, décrochons les tongs attachées aux bouées et remontons le chemin jusqu'à Vang Vieng. Pour rejoindre la guest house, il faut encore traverser le marché local, en maillots de bains et paréos, les bouées sur le dos. Joli tableau!
En tout cas, cet apparat douteux nous vaut d'expérimenter l'art laotien de la séduction. Autoritaire et aggressif, un laotien nous suivra toute la soirée pour EXIGER que nous dinions avec lui!


Divorce

Petite parenthèse au milieu de mes récits, je brise la chronologie pour vous faire part de la tristesse de mon état présent : Jeanne m'a quittée pour un autre, me laissant comme une vieille chaussette dans une guesthouse minable, avec plus même une rapure de savon pour faire ma toilette! C'est atroce, me voila femme divorcée en avant-première, face aux partage des biens les plus précieux, savon, shampoing, cotons tiges..! Quelle infamie, je savais bien qu'il fallait faire un contrat de séparation des biens, mais on ne pense jamais a ça quand on est jeunes!

Mauvaises blagues mises à part, Jeanne et Sébastien sont donc partis comme prévu pour les plages de Sihanoukville, au sud du Cambodge, et je vais me diriger vers le Vietnam pour quelques jours à Saigon, avant de passer le réveillon de Noël dans l'avion qui me mènera à Melbourne. (Ayez une petite pensée pour mes trois carottes et ma tige de céleri quand vous attaquerez la dinde, le 24 au soir!). Mais Philippe me rejoint à Melbourne, Carole à Cairns, de quoi faire passer le goût des carottes moisies!

En attendant, le plus dur est d'affronter la solitude de ma chambre devenue single, plus de hurlements à chaque cafard, plus de momie sous mousticaire ni de soprano sous la douche..
J'ai perdu mon bouffon, mon troubadour, mais aussi le cerveau de la bande, l'organisatrice et négociatrice en chef. Me voila seule, et j'erre dans la ville, sans but, sans plan, avec l'internet pour seul compagnon! Mais non, je noircis le tableau, j'ai quand même réussi à sympathiser avec les autres parias de la ville, un irlandais au petit-déjeuner, un allemand au déjeuner.. je n'ose imaginer le diner!

Toujours à Phnom Penh alors que je pensais partir pour Saigon ce matin, car le bus (unique) de 6h45 ne s'attrape pas sans réveil.. Et Jeanne était la préposée au réveil dans notre duo, il faut bien se spécialiser pour être complémentaires, et je n'ai pas acquis ce talent!
Et puis, pour le faire retentir à l'aube, il faut des semaines de concentration et d'expérience, je ne m'y suis pas encore essayée, mais il va falloir faire mes preuves. J'avais oublié que la tâche de Jeanne etait aussi délicate!

J'y arriverai je pense, soyons confiants, je me battrai! Puis, à force d'application et de perséverance, redeviendrai une femme émancipee et conquérante, et attraperai mon bus pour Saigon! Demain, peut-être?


Vientiane

Revenons à nos moutons, vaches, poules, cochons. Jeanne est encore là, nous sommes à Vang Vieng, et partons pour un périple fou et essoufflé vers le sud du pays, avant de rejoindre Sébastien. Le compte à rebours se met en place, nous sommes le 7 décembre, Sébastien arrive dans 5 jours à Siem Reap au Cambodge, et nous rêvons encore naivement de trouver le temps pour descendre à l'extrémité sud du Laos, passer une journée sur les îles du Mékong, réputées pour leur beauté.

Cette folle utopie nous aveugle sur la route à suivre, nous longeons le Mékong du nord au sud sur la fameuse route 13, qui se dégrade de ville en ville lorsque nous quittons Vientiane, pour être quasi inexistante lorsque nous joignons Pakse, dernière grande ville du sud. Et dire que nous aurions pu nous épargner ce tassement progressif des vertèbres en repassant par la Thailande, où nous aurions attrapé un train ou un bus évoluant sur de vraies routes, cela laisse songeur! Lorsque le compte à rebourd indiquera J-2 à Pakse, nous comprendrons la tragique illusion!

Depuis Vang Vieng, nous descendons jusqu'à Vientiane, capitale du Laos. Les paysages sont moins exceptionnels qu'au nord, on nous avait prevenu. Et plus nous descendrons, plus ce sera décevant, après une dizaine de jours de paysages magnifiques. Mais les alentours du Nam Ngum Reservoir sont tres beaux encore, nous les longeons sur plusieurs kilomètres, il est peuplé de dizaines de petits ilots, et les villages adjacents sont charmants. Nous assistons à la rentrée des classes, des dizaines d'enfants en uniformes bleus et blancs, rieurs, se hâtent vers l'école des 7h30. Des vaches au milieu de la route, pas pressées en revanche, obstruent le passage du bus sans complexe.

Nous passerons une nuit à Vientiane, une et une seule, cela suffira. La ville a beau être la capitale du Laos, on ne voit pas trop ce qui le justifie. Elle paraît vide, sans âme ni charme. La chaleur est étouffante, la pollution insupportable, nous n'y sommes plus habituées apres notre retraite dans les coins les plus paisibles de la planète. Je m'aperçois d'ailleurs que nous retrouvons un feu rouge pour la première fois depuis des jours, curieuse impression! Au train ou ça va, nous allons devenir de véritables associales, ermites des campagnes, nous fuyions systématiquement les grandes villes, et même une capitale aussi petite que Vientiane (150.000 habitants) nous aggresse déjà. J'aimerais faire mon grand come-back au pays de la bourse à Truchtersheim, je pense que ce serait plus supportable!

De plus, nous avons atteri dans un hôtel miteux, ce qui encourage encore moins à prolonger notre séjour. La Lao Elysee Guest house est une petite horreur, même si le propriétaire est un amoureux de Paris et qu'il barbouille les chambres de tours Eiffel géantes et d'arcs de triomphe jaunatres!

Petit tuyau pour les insomniaques : allez étudier le fonctionnement d'une chasse d'eau cassée a 2h du matin. C'est passionnant une chasse d'eau, surtout quand le couvercle est brisé et qu'elle nous livre tous ses rouages et sa fine architecture, tenue à l'abri des regards indiscrets en principe, et soigneusement brevetée.
A 2h du matin, je revets ma combinaison de plombier, lassée d'entendre gouter et d'asphyxier sous les odeurs qui se repandent. Quelques tuyaux, un ballon plastique, une balle en caoutchouc.. Ca n'a pas l'air bien sorcier, et super-Hélène au milieu de la nuit a les neurones qui tournent à plein régime. Destruction de la balle caoutchouc, arrachage de tuyaux, tout m'a l'air parfait. En tout cas, ca arrête de couler, me semble-t-il. Je me recouche, Jeanne se retourne dans un grognement, elle n'a pas l'air de réaliser que son génie de cousine vient d'accomplir un petit exploit. Mais 10 minutes plus tard, des floc flocs plus intenses encore se font menaçants... sur le parquet de la chambre, cette fois... Normal, les WC ont débordé, il semblerait que super-Hélène ait omis quelque chose dans sa réparation express. Qu'a cela ne tienne, je me relève et arrache quelques tuyaux supplémentaires.
Cette fois ci, plus de doute, le WC est terrassé, je peux dormir sur mes deux oreilles. Heureusement, je ne prendrai pas de nouveau cours du soir pour mon CAP-plomberie, nous partons de cette guest house glauquissime le lendemain matin.

Et puis, au lever, Jeanne s'écrie affamée :
"Sales fourmis, elles ont mangé mes gauffrettes!"
Une dernière raison pour ne pas nous attarder!


Just say no...


... to Christmas, nous dit Ben, qui propose de lancer le mouvement de résistance contre Noël. Il faut commencer par des mesures drastiques, et boycotter Bodyshop!

Bref, les globes-trotters de fin d'année se consolent comme ils peuvent de manquer l'orgie, mais il faut se rendre a l'évidence, on serait bien à la maison quand même devant le feu de cheminée, a attaquer la troisième boîte de pralinés en se tenant le ventre de peur qu'il n'explose. Fanny, j'espère que tu as englouti les trois plateaux de florentins et petits fours en mon nom, comme chaque année!
Mon Noël dans l'avion a depassé toutes mes espérances : du sticky rice et des batonnets findus, saupoudrés d'une sauce au chili verdatre et de trois feuilles de salade.

J'ai eu beau regarder par le hublot, je n'ai pas vu dépasser de traineau ni le bois des renes, impossible de faire un croche pattes au père Noel pour qu'il lache sa sacoche. Les seules taches rouges que je distingais dans le brouillard après avoir enlevé mes lunettes étaient finalement les hôtesses de l'air Vietnam Airlines, bonnes recrues du parti communiste chinois. Les hôtesses Lufthansa n'ont plus qu'a s'incliner, on a trouve plus antipathiques qu'elles. D'ailleurs, le communisme n'a jamais été aussi palpable qu'a l'aéroport. Paperasses et formalites qui n'en finissent plus guichet apres guichet qui vous dévisagent, et des portes de prison pour vous souhaiter Merry Christmas!

Me voila à Melbourne, pas la folle agitation non plus, je me suis trompée de point de chute : c'est à Sydney que Noël se passe en techno-parties sur la plage! A Melbourne, la foule est en famille en train de digérer, et les rues sont désepérément vides!

Je reprends donc mon recit ou je l'avais laissé, ca tombe bien, il n'y a vraiment rien d'autre à faire aujourd'hui!


Kama Sutra et rats grilles

Nouveau trajet, nouveau bus, nous partons cette fois pour 7 heures de trajet dans des routes à peu près supportables, entre Vientiane et Savannaketh. Nous passons maîtres dans l'art de la position la plus indolore, et serons bientôt prêtes à publier un recueil complet sur l'optimisation d'un espace réduit pour confort absolu. Nous sommes nos propres cobayes dans ce processus de recherche et développement, et utilisons tous nos residus de cours de physique pour mettre au point la potion magique. Des axiomes de vieux manuels resuscitent de nulle part : rien ne se perd, rien ne se gagne. Mais oui, je me rappelle, seule la forme change, et la quantite de matière reste la même. Nos silhouettes de nymphes sveltes et elancées deviennent sphériques et tassées, ornées d'une fine couche de rouille, mais ce sont toujours les mêmes! Bon, c'est déjà rassurant!

Jeanne se recroqueville, assise, debout, couchée, en tailleur sur son siège, la tête sur l'accoudoir avant, puis le corps dans l'allée centrale et la tête sur le siege, jusqu'à ce qu'un nouveau passager lui substitue a sa paillasse de fortune un imposant sac de ciment. Elle reprend la position du foetus contrarié, mais me lance amusée : "Je fais le Kama Sutra des positions du bus!". C'est vrai, il faudra vraiment le faire breveter en rentrant, en faire des posters scientifiques que Marie-Cecile pourrait détailler au Botswana, ca leur servirait aussi!
D'autant qu'il y a des positions auxquelles on ne pense pas forcement ma foi, et Jeanne commence a être bien inspirée par la souplesse yogi, elle nous fera bientôt un joli poirier sur le toit!

Mais aujourd'hui, je suis ra-vie de faire le voyage en bus, lorsque le chauffeur sort brusquement sa caisse a outils, clef à molette, pince et tournevis, et se met à reparer son moteur sans nous en informer, arrêté sur le bas-côté pendant quelques bonnes minutes. Quelle joie de ne pas être dans un avion, et de s'apercevoir à mi-chemin des trois boulons manquants! Voila, c'est réparé, et notre chauffeur peut se remettre à son jeu favori de dépassement de ses collegues chauffeurs de bus plus délabrés encore, les doublant comme un dératé sur des chemins bordés de ravins!

Les maisons qui défilent me font penser à la fable des trois petits cochons. Maison de paille, maison de bois, maisons de brique.. Tout sera soufflé par le grand méchant loup, si l'envie lui en prend.
En l'occurence, le risque vient plutôt des violentes moussons ou d'un typhon, je ne peux m'empêcher de me demander combien de temps durent ces constructions de fortune. Je me demande aussi quel rapport ces villageois ont avec leur lieu d'habitation, s'ils sont encore semi-nomades ou s'ils tiennent a l'emplacement de leurs maisons comme nous nous attachons aux nôtres. Ces abris de bambou en bord de route se déplacent peut-être suivant les saisons ou les routes commerciales, je ne sais pas. J'aimerais le leur demander mais je n'aurai jamais de réponse, barrière de la langue oblige!

Sur la route, des troupeaux de vaches affolées déguerpissent les jambes à leur cou, nous sommes a nouveau dans un bus au klaxon impitoyable. Les troupeaux n'en finissent pas de défiler, des petits veaux clopinent derrière leurs mamans vaches, des chèvres plus éparses quittent le chemin en pas chassés.

Une pause pipi, avec un pelican en cage qui nous regarde l'air ironique, en émettant des bruits de voyeur sans gêne. Jeanne me rend attentive à ses yeux, il ont la meme couleur que les siens, me dit-elle. Oui, il fallait y penser! Les gènes empruntent des voies impénétrables, mais ceux-la doivent résider dans la partie de famille qui nous sépare!
Les oiseaux en cage sont à la mode ici, des perruches multicolores nous sont souvent proposées par des marchands de rue. La proposition est alléchante, mais non.. Non merci, je ne suis pas sure que mon canari se plaise en Australie, et encore moins qu'il soit heureux de fêter Noël dans la soute a bagages d'un A-320!

Retour dans le bus, au milieu du répertoire de ballades thai ou laos crachées par les haut parleurs surmenés, quelle surprise d'entendre une reprise asiatique de "Je t'aime moi non plus". Ou bien était-ce un Gainsbourg à cours d'imagination qui etait venu s'inspirer de chinoiseries? Là encore, on ne connaitra jamais le fin mot de l'histoire!

Apres la pause pipi, la pause diner est surprenante aussi : des rats grillés nous sont proposés comme brochette du soir, à peine épinglés sur un bout de bois. Tout est reconnaissable, les yeux, les pattes, les petites griffes. "Alors, chère Jeanne, vous prendrez bien un petit rongeur pour le diner, nous l'avons concocté tout spécialement pour vous. Il est aldente et craque sous la dent!". Ah non, mea culpa, ce sont des chauves-souris, je me méprends. A y regarder de plus près, on y distingue aussi de petites ailes rabattues! Il est important de bien noter tous les détails, on risquerait de se tromper de repas, et il serait dommage de manquer les nuances, ce petit gout fruité inimitable de chauve-souris embrochée dont vous me direz des nouvelles!
Bon, je fanfaronne, je fanfaronne, mais pour moi, ce sera du riz blanc pour le diner, si si je vous assure, j'ai une toute petite faim, ca me suffira. Non non, pas de sauce avec, surtout pas de sauce!

Après ce delicieux diner, nous reprenons la route, une nuit noire s'est abattue, intense mais fluide, tachetée d'étoiles ditinctement laiteuses. Nous surprenons le rituel du coucher de familles en bord de route, au travers des portes et des fenêtres ouvertes des cahutes. Des pièces vides, ni matelas ni mobilier, juste une télé allumée de temps en temps qui trône en plein milieu. Les silhouettes se deshabillent, se couchent à même le sol. Des feux allumés sous les pilotis, encore quelques ombres qui font leur toilette. Il n'est que 7h du soir pourtant, mais n'oublions pas que tous ces gens se relèveront a l'aube.

De notre côté, les réjouissances ne sont pas encore finies, nous n'atteignons Savannaketh qu'à 22h. Encore une guest house miteuse avec des serpillères en guise de serviette, et de nouvelles frises decoupées dans le mur du couloir. C'est le dernier cri achitectural.
Jeanne s'endort comme une pierre et je l'imite bientot, plongeant dans un rêve étrange de chats blancs bouillis dans une casserole de tortellinis. Ca y est, je suis asiatisée, pauvre de moi!


Savannaketh

Visite sommaire de Savannaketh. Le bus part pour Pakse à 14h30, le tour de la ville sera donc rapide. Petit-déjeuner à la mode locale, pour le moins surprenant. La serveuse, enfoncée dans un canapé, nous fait dos, et zappe impunément des pubs aux Années collèges en passant par les clips MTV, jusqu'à trouver la chaine de ses rêves, dont elle ne décollera plus : un film porno!...et ce, dès 10h du matin! Une grosse blonde se fait ligotter, et nous n'en sommes qu'au Lipton Tea! (oui, j'ai peut-être oublié de vous préciser qu'on a beau être en Asie, fouler des plantations et des champs de thé exotique, mais on ne nous servira que du Lipton Tea en sachet! Quelle frustraion! Il faut se battre pour avoir du chinese tea, indian tea, lao tea. Ils se disent certainement que nos palets aseptysés ne supportent plus rien d'autre que le synthétique et le sans goût. De même pour les fromages, les seuls existants ici sont la vache qui rit (aurhentique, et prononcée vachkiri par les laos!) et les carrés de fromages plastique dont raffolent les américains. Aucune chance de trouver un bon camembert ou munster dégoulinant(qui te courrait après pour te tendre un piège, Aviva, comme d'habitude!). Et puis, les touristes qui nous ont précédé ont dû tellement se ridiculiser déjà en s'étouffant, pleurant et toussant à manger épice, que les cuisinier asiatiques distinguent souvent les plats, touristes ou pas touristes, en cherchant au maximum la neutralité de goût pour le touriste élevé à l'industriel! En bref, pour les fins palets, il faut souvent se battre pour avoir droit au plat local, normalement épicé.

Mais je digresse, on en était au petit-déjeuner devant une grosse blonde menottée. Notre serveuse passionnée oublie tout ce qui l'entoure et se croit seule au monde face à ce programme éducatif, lorsque notre ébahissement fait place à une forte crise de fou rire, et lui rappelle la présence de clients dans son restaurant. Elle change de chaine violemment, et se ressaisit!

Après le petit-déjeuner, un peu de watting comme toujours, "de toutes les matières, c'est les wats qu'elle préfère", mais pas vraiment motivées, difficile pour un wat d'égaler nos émotions du matin, a moins qu'un moine ne nous fasse un streap-tease sur la stupa.. mais ça a l'air mal parti!
La grande surprise sera plutôt de trouver une église catholique, peuplée d'un et unique touriste, d'une vingtaine d'années.. Agenouillé et manifestement en train de prier. Nous sommes dimanche matin, et sans doute fait-il partie de cette espèce en voie de disparition mais ô combien louable qui saura trouver une église tous les dimanches matins, même à l'autre bout du monde. Je suis en admiration, sincèrement! Apres la vision de tant de pagodes et de bouddhistes en recueillement, j'avais exclu l'hypothèse que de jeunes chrétiens aussi étaient capables de montrer une foi comparable. A force de ne se souvenir que des scandales du Vatican et de son anti-évolution, du faste papal et de sa cour, on a peine à se souvenir que le catholicisme est encore une religion vivante!

Nous continuons la balade matinale, la ville est endormie, est-ce le symptome "dimanche matin"? Ce serait bien la premiere ville asiatique où le dimanche signifie quelque chose. Mais elle fait plutot un exact pendant à Vientiane, ville fantôme denuée d'âme. Fantôme de sa splendeur coloniale, qui se percoit encore pourtant. Il ne manquerait pas grand chose pour que la ville soit charmante, un peu de réfection des bâtiments et de couleurs, et on se croirait sur la Côte d'Azur! D'ailleurs, la route qui longe le Mekong vient d'être goudronnée, elle est bleue marine, belle et lisse, nous en sommes déjà à esperer que c'est celle qui nous menera a Pakse. De l'autre cote du fleuve, la Thailande. Le Mekong sert de frontiere entre les deux pays, depuis l'ouest de Vientiane. C'est le Rhin local!

Fin de la visiste, il est l'heure de repartir pour le sud, le tuk tuk qui nous emmene a la station de bus essaie encore de nous arnaquer magistralement, histoire de nous laisser un souvenir imperissable de Savannaketh! A la station de bus, une heure d'attente, des touristes insupportables, une espece de fondamentaliste vert, greenpeace attarde tout droit sorti d'Allemagne. Il s'engage dans une longue conversation avec un pauvre lao qui avait le malheur de parler anglais. Sujet : "les ravages du tourisme sur le pays". Il le noie de pourcentages tires d'une source inconnue : "seulement 20% des recettes du tourisme vont a la population, 60% vont au compagnies d'aviation et tours operateurs". Les autres 20% restent dans l'ombre, sa science s'arrete la. Du moins je l'esperais, mais il continue : "les ports fluviaux sont detournes de leur fonction principale, la peche, pour laisser entrer les touristes dans le pays. Les pecheurs sont chasses pour developper l'infrastructure touristique.

Moralite, il faut bannir absolument le tourisme, et laisser le pays dans l'autarcie. Faut il preciser que ce missionnaire porte une barbe de trois mois mal taillee et un T-Shirt du Che, comme tous les idealistes en mal de heros? Pitoyable, et je ne suis pas en humeur a entendre des touristes honteux precher la bonne parole! Si encore il dispensait ses propheties depuis son pays,peut etre serait-il credible! Mais touriste comme les autres, il est tout aussi coupable!
Avec notre chance, il sera dans le meme bus que nous, et bien sur, s'arretera a Pakse comme nous.. Et nous accompagnera dans la recherche d'une guest house en se plaignant a chaque chambre visitee : "ca pue" ou "c'est inadmissible que vous n'ayiez plus de place". Jeanne est patiente, mais il sera parvenu a la mettre hors d'elle, quel exploit!


Mauvais timing

J-2. Depart pour la Thailande, nous comprenons enfin notre malheur, il nous aura fallu du temps avant de realiser que nous n'arriverons jamais a descendre vers les iles du Mekong et arriver dans un delai raisonnable a Siem Reap, ou Seb nous attend!

Nous avions bien envisage de traverser la frontiere entre le Laos et le Cambodge sur le Mekong, moyennant backshish bien sur puisqu'elle est officiellement fermee. Des touristes avaient reussi cet exploit avant nous, d'autres se sont fait refouler, question de chance, et du bon vouloir des officiers rencontres en chemin. La question ne se pose plus vraiment lorsque nous etudions la carte de plus pres, le Mekong ne passe pas du tout par Siem Reap, et cela ne nous fera pas gagner beaucoup de temps. Il est au fond plus sur et plus rapide d'emprunter la voie officielle, sortir du Laos par Pakse, entrer en Thailande puis en ressortir a Aranya Prathet ou se trouve la frontiere officielle avec le Cambodge.

Ce qui est delicat dans le transit entre ces differents pays, c'est qu'il n'y a a chaque fois que quelques points d'entrée et de sortie tres limites, un seul parfois, ce qui implique de bien calculer son itineraire des le depart pour ne pas etre confronte a de mauvaises surprises.

Pakse est une nouvelle ville chantier, pire encore que les precedentes parce qu'elle grouille de partout, beaucoup plus industrieuse que Vientiane et Savannaketh. Elle devrait devenir une des premieres villes commerciales si l'ouverture se poursuit, profitant de sa situation portuaire, de sa proximite relative avec Bangkok et de son statut de point d'entrée. Actuellement, c'est un enorme branle-bas de combat partout, des routes de sables pour la plupart comme a Savannaketh, mais en voie de goudronnage imminent.

C'est le cas aussi de la route qui separe Pakse de Savannaketh. Elle est en voie d'amenagement, ce que nous constatons avec depit en sentant nos fesses endolories. Nous l'avons emprunte deux mois trop tot sans doute, les goudronneuses en rang d'onion tout le long du chemin laissent imaginer une construction imminente. Nous nous lamentons sur notre mauvais timing. Notre greenpeace attarde s'en rejouit au contraire, il pense meme etre venu trop tard, qu'il eut ete agreable de silloner un sentier dans la jungle, ouvert a la machette!


Contrastes

Thailande - (10-12/12/2001)

Retour en Thailande pour deux jours, le temps necessaire pour rallier la frontiere cambodgienne. Tout comme a la sortie du Myanmar, l'arrivee en Thailande me donne une impression de terre benie, havre de richesse et de modernite. Pour la seconde fois, la Thailande fait figure d'ilot de fortune, elle nargue impunement ses voisins demeures 50 ans en arriere. Fortune et prosperite, c'est ce que m'inspirent la vue de ces routes a 4 voies, ces voitures rapides, ces maisons en brique de part et d'autre de la route. Le contraste est saisissant des les premiers metres apres la frontiere. Le plus surprenant, ce sont peut etre les feux rouges. Je n'en ai ai vu que quelques uns a Vientiane, mais c'est tout pour tout le Laos.

Les thailandais sont toujours aussi presses de nous aider, toujours un peu trop pressants d'ailleurs, surexcites et anticipant nos propres questions. Ces gens la sont des stresses naturels, ils me paraissent toujours un peu hysteriques, autre contraste avec les laos si calmes et sereinement prevenants. Les Thailandais sont tres serviables, mais n'ont pas la maniere lente et avenante des laos rencontres ces 10 derniers jours.

Dans le pick-up qui nous mene de la frontiere a Ubon, une nonne bouddiste en tauge blanche et bonnet bleu, bien vieille deja, nous devisage continuement et nous sourit doucement. Son calme fait mentir mon observation precedente. Jeanne note que ce n'est pas a Strasbourg que les gens se sourient gentillement dans le tram, ce serait plutot "qu'est-ce qu'il me veut lui?".

Une etudiante en francais profite de ma presence a ses cote pour me faire lire son cahier et me faire prononcer les phrases francaises correctement. Je deviens prof malgre moi, deja ce matin a Pakse, ou je donnais des cours de francais au proprietaire de la guest house en attendant Jeanne! Dans le metier du tourisme, les plus ruses ont vite compris l'avantage indeniable qu'offre la maitrise de plusieurs langues. Ce tenancier de guest house profite de tous ses clients pour continuer ses cours de japonais, anglais, francais ou allemand. Il a un petit cahier pour chaque langue, et sort celui du touriste rencontre de bon matin en pijama, qui prendra peut etre le temps de l'aider! Une formule intelligente pour s'en tirer a moindre cout!

Apres 4 heures de pick-up, nous atteignons Ubon, ou nous enchainons avec un train de 3,5 h pour Buriram, ancienne ville khmer devenue thai depuis bien longtemps. Ne demeurent que des ruines du passe khmer, que nous pourrions visiter avec plus de temps. Mais notre premiere etape au Cambodge etant Angkor, aucune frustration quant a ces ruines manquees.
Buriram, 22h, apres le pick up du Laos, celui de Thailande et le train, nous arrivons epuisees, et pas la moindre envie de se mettre en quete d'une chambre a l'autre bout de la ville, d'autant que nous repartons de bon matin.

Lose guest house continue, nous cherchons betement pres de la gare, et sommes a deux doigts de reiterer le Nation Hotel de la gare de Bangkok. Pourquoi tous les hotels de gare sont-ils aussi miteux? Ce n'est pas parce qu'on est que de passage qu'on n'a pas droit un traitement honnete!
Des frises dans le couloir, un lezard de 50 centimetres dans la douche, mais surtout, et c'est la nouveaute ici : des prostituees a la reception! C'est le boy lui meme qui nous conseillera un autre hotel, a une rue de la. Pas le grand luxe, mais somptueux en comparaison. La receptionniste fait une rave party toute seule derriere son comptoir, on entendra sa techno jusqu'au troisieme etage, mais sinon c'est parfait!

 

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