Bains de souffre


Bains de souffre Tue, 25 Jun 2002 16:19:40 +0000 Le lendemain de cette memorable aventure, jambe de bois et bras casse partent faire tremper leurs muscles dechiquetes dans des eaux thermales revigorantes. A quelques kilometres de Huaraz se trouvent en effet les eaux thermales de Monterrey, bien connues pour leurs proprietes miraculeuses et l'engouement qu'elles procurent aux familles peruviennes partant s'y detendre le weekend. Marie se fait une joie d'aller barboter dans des eaux miraculeuses et rajeunissantes, juste un peu peur d'etre confinee dans le bain aux lepreux avec ses jambes criblees de piqures de moustiques sauvages et d'ampoules, mais nous nous y rendons gaiement. Le petit bus de campagne qui ne passe jamais la seconde nous y amene avec bonhomie, surtout pas trop vite, mais nous avons tout notre temps au fond, plus envie de crapahuter pour quelques jours en tout cas. Apres avoir demande 15 fois a nos voisins de bus a quel arret descendre (pas evident de deviner, lorsque le bus s'arrete a tous les croisements, ramasse encore une fois toutes les ombres sur le bas-cote), nous arrivons enfin a bon port, face a un mur delabre qui nous indique par des tags rougeatres a moitie effaces : "Aguas thermales". Bon, eh bien ca a l'air d'etre la.. Nous entrons sans grande conviction, une femme nous accueille a l'entree pour nous soutirer les 3 soles de rigueur, puis nous abandonne sans mode d'emploi. Marie et moi avancons au ralentis dans les batiments decrepis, on dirait un centre pour toxicos de Fleury-Merogis, rien ne rappelle que nous y sommes venues de notre plein gre et qu'il s'agit a priori d'un lieu de detente et de cure. De petites portes austeres cachent des baignoires carrelees d'un bleu lugubre et effrite, elles sont toutes vides, nous n'avons que l'embarras du choix. Baignoires matrimoniales ou individuelles, 20 minutes par session, et comme musique d'ambiance les marteaux piqueurs des ouvriers qui travaillent a leur refection ou a celle du batiment qui les abrite. Marie et moi nous regardons l'air ahuri, faut-il ou ne faut-il pas tenter la grande aventure, euh, franchement ca me dit moyen, atmosphere glaciale et effluves de toilettes... Nous continuons a arpenter les couloirs vides, la demarche incredule, puis ressortons du batiment aux tortures pour tomber enfin nez a nez avec le grand bassin. Le grand bassin, ah! Voila ce que nous recherchions, enfin quelque chose qui ressemble a notre definition de bains thermaux, une large piscine ou se laisser glisser, en exterieur en plus, de la vegetation tout autour. Que demander de plus? Eh bien.. Peut etre un petit effort sur la couleur, quand meme, non? Il ne manque qu'un tout petit peu de bleu pour flatter notre imaginaire aqueux, parce que ce n'est pas qu'on soit chochottes, mais le bassin ocre-brun avec des particules jaunatres un peu partout en suspension, ce n'est pas franchement des plus attirants! Bon, enfin, relativisons, il parait que c'est du au souffre, et que le souffre, c'est tres bon.. Bon pour quoi? Oh, bien ca, c'est secondaire, n'en demandez pas trop, c'est bon, quoi! Nous faisons donc fi de toutes nos apprehensions, partons nous changer dans les petites baignoires de desintoxication, et revenons affronter vaillament le liquide noiratre et ses particules solaires. Marie plonge la premiere, m'assure que ca ne sent rien, je la suis pleutreusement en appliquant la methode Coue pour oublier la couleur, puis passe effectivement outre et me lance dans mes legendaires performances de poule d'eau de la graviere de Brumath (ma specialite toutes categories). Tellement en confiance que je bois la tasse.. Et me retrouverai nantie d'une tourista inoubliable les 3 jours a venir! Bien joue, Daisy! Quant a Marie, elle n'aura rien perdu de ses jolis oedemes version mosquito, mais les aura au contraires recouvert de lumineuses plaques jaunatres, incrustees au pinceau entre deux piqures! Apres plus d'une heure de defi, nous ressortons de la mare au canard grelottantes, nous rhabillons en hate, et partons nous restaurer au village pour nous recompenser du defi releve. Mais ce que je ne savais pas, c'est que j'allais me trouver face au second defi, et pas des moindres : face a un "cuy" dans l'assiette, petite bestiole grillee, aux petits bras et petites griffes intactes. Non, ce n'est pas un poulet... Est-ce un chat, est-ce un rat? Je prefere ne pas creuser trop loin, manger sans y penser, et oublier bien vite. Ce n'est qu'une semaine plus tard que Marie et moi apprendrons que le cuy... Est un mignon petit cochon d'Inde embroche!


 

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