Birmanie

(24/10 - 14/11/2001)

Bago

Apres 3h de route dans une Kangoo bis (c'est la définition du taxi local), baraquement pour bétail ou pour bottes de foin, les fesses et le dos défoncé, nous arrivons a Bago la nuit tombée. Il faut se dépécher de manger et trouver un hôtel, car ils ont instauré le couvre-feu a 21h. La vieille histoire connue, des risques de dégénérescence dans les relations bouddhico-muslims, apres l'assassinat d'une femme a Pyay. De toute facon, un birman nous saute dessus pour nous emmener au super hôtel de la ville, en pousse-pousse.

Alors la, ca tient de l'exploit absolu, on va inscrire ce taxi pousse-pousse aux JO chinois, dans la catégorie "lever de poids" : Jeanne, moi, et nos deux sacs a dos de 20 kg, et le tout sur un même pousse-pousse… Si si, c'est possible! Et pour qui connait le gabarit du birman moyen, c'est du domaine du surnaturel!

Nous déposons les sacs, il est 20h, plus qu'une heure pour manger, la course contre la montre, alors on opte pour le resto du coin. A peine la porte poussée, nous sommes attaquées violemment : des cafards en tribus, des nuées de bestioles énormes et gluantes se jettent sur nous, plus encore sur Jeanne, qui devient hystérique et pousse des hurlements de bête fauve (cf Indiana Jones, la blonde dans la brousse). Je ris tellement que j'en ai des crampes, Jeanne est livide, tétanisee, il faut que je la sorte d'urgence avant qu'elle ne défaille. " Je me découvre", me dit-elle en reprenant ses esprits, "je ne pensais pas réagir comme ca!". On a juste le temps de trouver un autre resto plus accueillant avant de se faire enfermer par les officiers pour outrage au couvre-feu. Jeanne oublie sa peur en se saoûlant a la Myanmar Beer et en se défoncant aux Camel.


Bago - 2

Le couvre-feu a 21h, ca donne des gens frustrés par la brièveté de leur journée, qui se lèvent donc a 5h du matin (fin du couvre-feu) pour rattraper le temps perdu. Ca veut dire fin de la nuit pour nous aussi, les klaxons ne s'arrêtent jamais, et les moines appellent à la prière par micro interposé pour que toute la ville soit sûre d'en profiter. C'est aussi un appel aux citoyens, à tous les bouddhistes, pour qu'ils s'acquittent de leur devoir de croyants et viennent gagner leur vie prochaine. Si possible ne pas se réincarner en chien, il n'y a pas animal plus inferieur dans la classification du mérite du point de vue bouddhiste. Le chien arrive vraiment tout en bas de l'échelle, et mieux vaut ne pas en être un au Myanmar. Donc, pour éviter, il est bon de venir nourrir les moines a l'aube, venir remplir leur gamelles qu'ils baladent en file indienne au sortir du monastère.

Ici, c'est l'industrie du moine, il les produisent à la chaine, et rien d'étonnant a ce que des jeunes gens intelligents comme Nanda s'interrogent sur leur vocation, lorsqu'elle est à ce point institutionnalisée et régie par le gouvernement.. En fait, les moines n'ont rien d'autre à faire que méditer pour le compte de la communauté. La communauté les nourrit et les habille, et en échange, les moines méditent pour eux et font en sorte qu'ils ne deviennent ni chien, ni mouche, ni cafard. Il parait que ce n'est pas mal de devenir vache, mais les vaches birmanes sont bien maigres, pas évident qu'elles soient ravies non plus!

Les moines renoncent bien sur à toute individualité, ils sont interchangeables, rasés, habillés de rouge (ou orange, jaune et rose : 4 étoffes au choix, mais le rouge prédomine). A Bago, nous visitons d'ailleurs un des plus grands monastères du pays, où les moines sont formés, de 9 a 15 ans. Ce sont les novices. Apres, il faut compter 3 ans d'examen avant de devenir reellement moine. 17 ans au plus tot.

Voyage Bago- Inle Lake

"Sans hesiter, le pire voyage de ma vie", me dit Jeanne à l'arrivée au Lac Inle. C'etait sous-estimer les divines surprises que le Myanmar gardait en cadeau bonus! Le depart 13h30, muté en 15h, les 14h prevues mutées en 19.. C'est le chapeau magique qui transforme toutes les durées en petite montagne surprise, avec comme baguette magique : les routes birmanes! Ou alors, c'est que la théorie de Florence sur l'échelle horaire indonésienne (1h de chez nous = 3h indonesiennes) est valable pour le Myanmar également.

Des routes de campagnes défoncées, de terre, de boue, 3 camions se doublant sur une allée de terre a 60 km/h, les klaxons en folie. Il faut aussi préciser que dans le code de la route birman, le clignotant n'existe pas. C'est le klaxon qui signalise le dépassement, l'appel de phares, la salutation, etc.. On ne penserait jamais aux mille et un usages du klaxon avant de l'avoir vécu!

Jeanne et moi sommes hélas au fond du bus, c'est les vacances scolaires et un grand festival bouddhiste au Lac Inle, alors tous les bus sont pleins et il fallait reserver 2 semaines a l'avance. Encadrees par trois birmans, nous valsons comme sur des balancoires d'enfants se faisant des crêpes. Arrets toutes les 2 heures, pauses pipi dans des WC à la turque sans lumières, avec des moustiques et des cafards qu'on ne voit pas mais qu'on devine ramper.. Jeanne a quelques soubresauts hystériques, mais non, ce n'est que la ficelle de son pantalon qui effleure son pied!

Petite tourista, crampes d'estomac, impossible de fermer l'oeil entre deux cognements de plafond.
Heureusement, l'arrivee a Nyaungshwe le lendemain matin rachète toute la torture de la nuit. C'est splendide, lever de soleil sur les montagnes. Jeanne le rate, je ne la réveille pas, elle dort ses premières minutes de la nuit..


Lac Inle

Au lac Inle, nous restons 4 jours. C'est un cadre magnifique, des canaux partout où nous circulons en pirogue, les montagnes nous encastrent dans une plaine entrecoupée d'eau, de lotus entremelés. De longues routes que nous sillonnons a vélo, avec une étrange impression de pédaler dans la plaine d'Alsace (retour aux sources, pourquoi partir si loin : les Vosges à l'Est, la Forêt noire à l'ouest!). La nature est splendide, les gens sont incroyablement souriants, adorablement serviables, sans pourtant de fibre touristique developpée. C'est un des aspects positifs de la dictature teintée de communisme : la business-mania ne les a pas encore envahis, le pays n'est pas assez "touristisé" pour qu'ils aient déjà appris a détester les touristes riches et arrogants. Ici, même les allemands que nous rencontrons paraissent civilisés et responsables! De l'allemand cultivé, et c'est plutôt le touriste francais, un peu trop répandu a mon goût, qui fait office de bidochon!
Ceci dit, dans quelques années, le Lac Inle pourrait devenir le Touquet des Birmans, s'ils continuent a s'ouvrir aussi rapidement.

Nous tombons, heureux ou malheureux hasard, sur le festival annuel du Lac Inle: fêtes foraines, les birmans jouent avec frénésie a des jeux de fortune style dominos gants, toujours ce fameux rapport a la chance et l'impression qu'ils seront peut-être les heureux élus. Tout le monde joue, des enfants aux mamies armées de cherros geants rappelant vaguement les fumeurs de joints de Woodstock, des rebèles aux cheveux longs, un allemand (cherchez l'intru!). En fait, le jeu est normalement interdit par le gouvernement, seules les lotteries natinales susceptibles d'enrichir directement le régime sont tolerées.

Mais le Lac Inle, c'est Monaco, et une petite exception à la règle. La raison en est simple : le Myanmar est composé de plusieurs provinces bien distinctes, peuplées de tribus différentes, avec plus ou moins de droits consentis par le gouvernement selon leur importance économique (ou leur concentration de rebèles potentiels!). C'est d'ailleurs aussi ce qui explique le choix du gouvernement (quart d'heure politique) de bannir l'appellation "Birmanie", imposée par les colonisateurs britanniques, pour la remplacer par Myanmar, plus équitable pour tenir en compte toutes les tribus non birmanes.
Le lac Inle et sa région sont peuples de Shan, et non de birmans. C'est la seconde entité ethnique, après les Bamars, raison pour laquelle le régime leur concède quelques privilèges, d'autant que la majorité des affrontements de frontières sont le fait de rebèles shan.
Bon, je ferme la parenthèse pédagogique, c'etait juste pour expliquer le terme Myanmar à Delphine, persuadée que j'ai choisi ce pays en premier pour ses consonnances "Miam Miam"!

J'en reviens donc au Lac Inle et à son festival : du jeu, mais ausi des concerts.. De Hard Rock! Si si! Là encore, comme pour le pédaleur du pousse-pousse, on a peine a croire que ce soient bien des birmans qui crient leur hargne dans le micro à la facon d'Aerosmith ou de Johnny a Bercy, Des gens si fins et si paisibles! Cela aussi, c'est une concession accordee aux Shan. Car en principe, les birmans ne sont autorisés ni à porter de vêtements occidentaux (les pantalons sont meme interdits aux hommes, ils ne doivent porter que des longyi; le jean est symbole de l'affreux capitalisme americain, donc banni entre tous les vêtements!), ni à ecouter de chansons aux paroles étrangeres. Encore mieux que la loi Toubon, ici, les mélodies de chansons americaines ont le droit d'etre entonnées, mais a condition de changer les paroles en birman. Dans les multiples bus empruntés avec Jeanne, nous jouons a Tournez Manege. Rappelez vous, le jeu de Charlie Oleg, en train de pianoter sur son synthé pour nous faire reconnaitre Frederic Francois ou C. Jerome. Eh bien là, c'est le même jeu, sauf qu'il faut reconnaitre en birman la chanson d'origine en anglais. Jeanne est assez douée, surtout qu'elle cumule les points bonus en chantonnant a tue-tête la chanson d'origine : Hotel California, les Bangles, Cindy Lauper (c'est surtout la-dessus qu'elle aditionne les points! Des années après, pas une parole d'oubliée, c'est à cela qu'on reconnait les vrais fans! Il ne lui manque plus que la perruque moumoute d'époque, et c'est reparti comme en 40!)

Mais le mieux, dans ce festival, cela reste les moines. Toujours eux! Normal, puisqu'à la base, tout festival est bouddhiste, donc les moines sont superstars. Et pendant le festival, ce qu'il faut savoir, et ca, nous l'avons appris une nuit trop tard, c'est que les moines prêchent en non-stop dans leur micro inter-galactical, et qu'il vaut donc mieux éviter de loger dans la guest house adossée a la pagode! Trop tard, voilà une nuit de perdue, et puis de toute facon, les hauts parleurs n'épargnent personne, et meme les touristes du bout de la ville ont les mêmes yeux cernés le lendemain matin.. Et les 3 jours à venir! Eh oui, parce que le prêche des moines, combiné aux concerts hard rock dont profite aussi tout le village et les levers a 5h du matin pour aller voir les processions de bouddhas en pirogues sous le lever du soleil, ca finit par user le touriste!


Lac Inle 2

"On va s'acheter un collier anti-puces", me dit Jeanne en plongeant sa tete dans son sac a viande, histoire de voir si les puces se distinguent a l'oeil nu. Nous nous sommes reveillées avec des piqures étranges, et notre nouvel ami canadien nous assure que ce sont des "bed bugs", que je traduis, a tord ou a raison, par "puces de lit", plutot que"cafards de lit". Il y a des fois ou il est préférable de faire des entorses a la traduction littérale, surtout si elle est aussi peu plaisante.

(Aviva, stp, ne sors pas ton dico anglais-francais cette fois, je préfère rester dans le doute!)
D'ailleurs, une mention speciale pour toi, tu es la seule a avoir repondu triomphalement a ma question "qui est Boule - qui est Bill". Donc, pour tous les autres qui ont séché : Bill, c'est le chien! Jeanne ne s'en sort donc pas si mal! C'est moi qui vais finir rotie dans une sordide cuisine laotienne!

Bon, revenons en aux puces. "Les insectes sont nos amis,..", sauf qu'ici, on préfère les écraser sans sentimentalité. J'ai juste un peu de mal avec les cafards de plus de 5 cm de long, je dois avouer que je bloque. A ce stade, c'est presque un être humain. Jeanne a beau me coacher, blottie dans l'autre coin de la chambre, à crier : "Vas-y, Vas-y!", je n'y arrive pas, et décide finalement de laisser notre nouveau compagnon de chambre finir la nuit avec nous. On lui fait une petite place sur l'oreiller, et on s'endort!

Aujourd'hui, nous partons pour une journée de trek dans les montagnes autour du lac. Ce n'est pas le Mont Saint Odile, mais ca ressemble beaucoup. Toujours cette impression que le relief birman doit dater de la même époque que nos bonnes vieilles Vosges. Vive l'Alsace, elle est partout! Sauf qu'en place et lieu du couvent saint Odile, ce sont des grottes abritant des bouddhas (où vivent des moines à moitié fous à force de vivre dans le noir et de grimper des escaliers de pierre à 4 pattes pour aller se recueillir dans une cavité minuscule devant une icône illuminée). Jeanne et moi suivons notre guide (Indiana Jones et la Quête du Graal, suite!)


Pindaya -Kalaw

Nous quittons Inle Lake avec nos mouveaux amis canadiens, avec lesquels nous partageons une voiture pour nous rendre a Pindaya (nous sautons sur l'occasion pour nous épargner un nouveau trajet en bus!), où se trouvent de gigantissimes grottes, découpées dans une crête calcaire surplombant un nouveau lac. Cette fois ci, il ne s'agit pas d'un, ni de deux bouddhas. Non, les grottes de Pindaya, ce sont des milliers de bouddhas de toutes sortes (en tek, en pierre, en laque..), entassés dans des grottes de plus en plus profondes, telles des catacombes renfermant des cimetières de bouddhas. Spectacle fascinant et atmosphère unique. Il y a même des couloirs de méditation, où les croyants se faufilent à 4 pattes.

Puis nous repartons, avec les canadiens toujours, jusqu'à Kalaw, village d'altitude d'où partent des treks intéressants. Kalaw est une ancienne station climatique de l'époque coloniale, cela fait un peu village de ski des Alpes du Sud.
Le lendemain matin, c'est lever a 5h, une fois encore. Decidément, je commence a me demander pourquoi j'ai démissionné, le rythme ici est encore plus spartiate qu'au Credit Suisse! Nous partons donc pour un trek de 12h, qui coupe court au bout de 7 seulement. Des trombes d'eau s'abattent sur nous, c'est le déluge, orage et tonnerre. Le parcours du combattant pour ne pas s'effondrer dans la boue. Apres Indiana Jones, c'est Survivor.
Le soir, nous rampons, des plaies sur les pieds et les jambes restent en dédicaces des sangsues. Araignées géantes, petits serpents.. Tout pour plaire, et Jeanne est comblée!


Trajet Kalaw- Mandalay

Voici la pire journée de transport jamais subie. La Kangoo, à côté, c'était de la limousine!
Lever à 6h, par les harangues habituelles des moines. On pensait être sorties du festival en quittant le Lac Inle, mais pas du tout, c'est valable dans tout l'Etat Shan. Les moines chantent toute la nuit, se relayant heure par heure, mais le son du haut parleur est un peu abaissé entre minuit et 5h du matin. On se réveille donc généralement entre 5 et 6h, lorsqu'on comprend que ce n'est pas un mauvais rêve!

Ce n'est pas bien grave aujourd'hui, nous devons prendre un bus à 7h du matin pour Mandalay. Bien sûr, il n'arrive qu'à 9h, mais à cette epoque, on ne connaissait pas encore l'échelle horaire en vigueur au Myanmar.
A 9h donc, le bus nous embarque, nous héritons une fois encore des places arrières, à cause de cette histoire de vacances scolaires et de bus surbondés. Tout se passe sur réservation, et cette fois-ci, nous avions pourtant réservé 3 jours à l'avance.. Pas plus de chance! Parquées à l'arrière, nous avons déjà du mal à nous asseoir sur une banquette minable, ce bus est plus un minivan qu'un véritable car, et encore, un minivan pour barbies, par pour européens normalement constitués.

Je commence à faire de la motivation des troupes pour nous mettre en condition et tenter de supporter les 7 h qui nous restent à passer …lorsque nous faisons un deuxième stop à Kalaw, alors que toutes les places du bus sont déjà occupées.. Bizarre, me dis-je.. Qui peut-on encore embarquer? Et là, vision d'horreur! Sur des palettes pleines à craquer, une quarantaine de caisses en bois attendent d'être chargées à l'intérieur et sur le toit du minivan!
Pour caler les caisses, tous les passagers doivent lever les pieds, on nous arrache au passage quelques morceaux de mollets et de tibias en faisant coulisser les caisses sous les sièges, je comprends trop tard qu'il fallait s'accroupir sur la banquette pour sauver mes pieds in extremis.

Cette fois-ci, nous sommes bel et bien condamnées à rester accroupies pendant 7 h, les caisses sous les pieds ne laisent plus le choix. Nous mangeons nos genoux. C'est atroce, on doute d'ailleurs qu'on puisse démarrer un jour avec les 20 caisses sur le toit, le bus crache déjà ses poumons à l'arrêt. Mais si, on démarre, et on s'engage dans des routes de terre sinueuses, de réelles routes de montagne, là où on se sent déjà mal en France..

Jeanne souffre le martyre, elle a déjà le mal des transport dans une voiture bien de chez nous, mais là, elle agonise. La premiere pause arrive seulement au bout de 4h, Jeanne est livide, et le village dans lequel nous sommes arretés n'offre aucune alternative. Pas de train, pas de taxi, pas d'autre compagnie de bus. Bref, nous sommes coincées, forcées a remonter. Heureusement, mes talents de germanophone auront au moins servi a quelque chose : une allemande aux cheveux rouges se prend de compassion pour nous, et offre à Jeanne ses médicaments contre les maux de transport. Jeanne est sauve, pour moi, ca ne fait que commencer. La banquette sur laquelle nous sommes assise s'est décollée, et nous sommes prises en tenaille contre le siège avant, avec une barre de métal qui nous scie les tibias.

Lorsque nous arrivons a Mandalay, 10h plus tard et non 7, je ne peux plus m'asseoir. Les 3 jours suivants non plus. Je serai franchement handicapée de l'assise pendant une semaine!
Arrivée a l'hotel, je m'endors toute habillée, lumiere allumée, jusqu'au lendemain matin. Du jamais vu!


Mandalay

Nous ne passons qu'un seul jour à Mandalay, le temps de faire à une allure de Gonzalès (d'ailleurs, j'ai bien le look avec mon chapeau de paille sur le dos, accroché par son cordon orange fluo) les cités anciennes, Mandalay Hill, les incontournables pagodes. On commence à se restreindre en pagodes, à ce stade du voyage, on en a déjà vu une bonne centaine, qui se ressemblent quand même pas mal entre elles.

Et puis, le MTT a encore frappé : à Mandalay, les pagodes plument le touriste systématiquement. A 4 ou 5 dollars par temple, ça fait réfléchir avant d'enlever ses tongs ! De toute façon, même les prendre en photo ne nous passionne plus. Le petit employé du MTT ne s'en est pas remis. Il nous répète trois fois, l'air contrit : " you can take a picture, it's free!". Free, peut-être, mais on en a assez de photographier toutes les pagodes qui passent, alors non, c'est non. Pas de photo cette fois!

Au dela des monuments, Mandalay est une ville infernale, ultra polluee et grouillante, bien pire que Yangon.
Un jour suffit amplement!


Bagan

Pour atteindre bagan, nous choisissons la voie fluviale, cett fois-ci, tout est bon pour éviter le bus. Mais le revers de la médaille, c'est qu'il n'y a qu'un bateau par jour, et qu'il part à 6h du matin. Bref, encore un réveil 4h30, le masochisme continue. Jeanne est jeune, mais mamie a du mal a suivre. Et en plus, même pas de lever de soleil sur l'eau, y penser était ma seule consolation entre deux bougonnements matinaux, mais aujourd'hui, le ciel est couvert. Tout pour plaire!
16 dollars pour le bateau, on aura compris que MTT est derrière tout ca, mais un peu d'indulgence pour la fin de mes vélléites humanitaires, je vous rappelle que je ne peux plus m'asseoir!

Le tarif est prohibitif pourtant, lorque l'on compare aux standards locaux (25 FRF pour une nuit de bus), et aux 50 centimes que nous demande un vieillard pour nous faire traverser un fleuve d'un km dans sa pirogue, où il rame à s'epuiser. Je commence à me revolter, je suis de mauvaise humeur et fatiguée, et je ne supporte pas les officiers qui nous encadrent. Du mal à rester courtoise..

La journée entière est sous le signe de l'écoeurement. Sur le bateau, on croit revivre l'ambiance du Titanic (avant le naufrage, je vous rassure!). De la ségrégation de classes jusqu'aux toilettes, qui affichent "Foreigners only". Nous (affreux touristes) sommes sur le pont et sur l'étage au niveau de l'eau. La plèbe (les birmans), s'entasse au sous sol, dans la cale. Il sont les uns sur les autres, assis par terre, sans un seul siège. Bien sûr, ils ne paient sans doute pas grand chose comparé aux touristes, mais j'ai du mal à digérer cette ambiance de castes.

Tous les touristes, UK, allemands, hollandais, français, espagnols,.., se retrouvent à leur étage de riches, et je comprends une fois de plus à quel point c'est un leurre de penser voir le pays dans sa vérité. Je commence à entrevoir que nous faisons tous le même trajet, sans originalité aucune, sans aucune possibilité de sortir des sentiers battus pour voir la réalité du pays. Je sais maintenant que les guest houses qui nous reçoivent doivent demander une autorisation du gouvernement au préalable, pour pouvoir accueillir des touristes. Ce ne sont pas les mêmes dans lesquelles peuvent descendre les birmans, meme aisés.

La ségrégation est parfaite. Tout est fait pour empêcher le hors piste. Le visa, qui ne dure qu'un mois, et dont le renouvellement relève du parcours du combattant, suffit tout juste à laisser au touriste la possibilité de faire un tour standard et balisé du pays. C'est un Europa Park pour touriste soit-disant cultivé, ou qui s'auto-célèbre comme tel, au pays des pagodes et des bouddhas en stuc. Pour ça, le touriste est servi : on lui montrera 100.000 stupas et monastères. Mais quant à voir le visage réel du pays, s'entretenir avec les locaux, échanger des idées.. Tout est fait pour l'empêcher. Evidemment, Big Brother n'empêche pas les heureux hasards. C'est grâce à eux que Jeanne et moi avons réussi à discuter réellement avec des locaux (Nanda à Yangon, puis à Bago avec un prof d'éco, et un conducteur de trishaw ; tous nous ont parlé de la propagande et des mensonges perpétrés par le gouvernement depuis des années).

A Bagan, l'impression de n'être que de pauvres touristes manipulés est terrible. Nous débarquons par troupeaux, c'est le club Med, un gigantesque tour-operator multi-country tire les ficelles. Et moi qui agitais la banière d'Independent traveller.. ça n'existe pas, au Myanmar. A moins de risquer sa peau, je pense. Bref, nous continuons à Bagan le Parc Astérix aux épices de club med, surtout quand on voit les airs de village de vacance qu'affichent les bungalows de la guest house. Elle s'appelle d'ailleurs le Golden Village Inn, il ne manque plus que le chef du village déguisé en Mickey pour que nous soyions au complet. Vive la liberté! Vive la différence!

Lors du check-in, nous sympathisons avec deux israéliennes, qui nous confient leur déception de ne pas trouver de boîtes de nuit ou de pubs branchés au Myanmar.. L'idée m'effleure qu'elles se sont complètement trompées de destination!

Old Bagan, New Bagan. Pourquoi est-ce sensé être le clou du spectacle, encensé par tous les guides comme étant le must du pays? Il y a ici des milliers de temples en ruine ou plus ou moins bien entretenus. Des temples à perte de vue, dans la brousse, au bord de la rivière, sur la route. Il n'y a que ça, à Bagan, et sans doute cela tient-il en respect le touriste fraîchement débarqué dans le pays. Mais pour Jeanne et moi qui collectionnons les visites de Pagodes depuis 2 semaines déjà, cela a un petit goût de déjà vu. Nous en visitons une dizaine, les plus imposants, que nous atteignons à vélo en sillonnant la région. C'est une orgie de monuments, je frôle l'indigestion.

Nous avons à ce point démystifié les lieux saints que Jeanne en arrive a jouer la business-woman dans une pagode. C'est dans la pagode qu'elle négocie le change de nos dollars au marché noir, à un taux défiant toute concurrence. Qui l'eût dit ? La thérapie fric bat son plein!

La Patinoire

Nous quittons Bagan avec le super Express. Cette fois-ci, on ne coupera pas au bus. 18h de transport, une fois de plus. Je suis une fois encore derrière, dans l'allée centrale. A chaque coup de frein, je crains de me faire éjecter à 100m, ce qui est assez dangereux pour tous les birmans entassés sur chaises en plastique dans l'allée centrale. Ici, c'est décidément l'utilisation optimale de tout espace vide. Par définition, un espace vide n'existe pas dans un bus. On le comble, soit par des sacs, des caisses, soit par des passagers supplémentaires. Il va sans dire que le concept "normes de sécurite" est extra-terrestre ici. Un peu plus tard, je peux changer de place quand mes deux voisines descendent. Je me précipite à côté de la fenêtre, pensant être sauvée. Mais avec les cahots, je manque me briser la nuque qui bute à chaque irrégularite du chemin sur la vitre ou sur le siège avant. D'ailleurs, la seule grosse (tres grosse!) birmane du pays s'est installée à mes cotés, ce qui réduit considérablement ma marge de manoeuvre.

Jeanne quant à elle a une place qui paraissait mieux de prime abord. C'est une place normale, plus vers l'avant, mais côté allée et non fenêtre. L'erreur fatale!
Les birmans, peu habitués au transport en bus, vomissent à tour de role (ou tous en choeur, devrais-je dire), surtout ceux de l'allée centrale, sur les sièges en plastique. Mais ils vomissent en silence, c'est ça le zen, et le plus étrange, c'est que cela ne sent rien. Je ne m'aperçois donc de rien avant la pause des 3h, où je glisse sur la patinoire de l'allée, intégralement retapissée. Un des touristes rencontrés nous avait prévenu qu'ils vomissent par les fenêtres. Mais ici, ce n'est pas le cas, puisqu'ils sont dans l'allée, et de toute facon, les fenêres sont trop hautes.

Jeanne est entourée d'enfants vomissants, mais ils ne pleurent ni ne crient pas. Les enfants ici sont excessivement calmes, cela m'a frappé à plusieurs reprises déjà dans tout le pays. La notion de caprice paraît encore plus être une spécificité occidentale. Ils n'ont pas de temps à perdre avec ça, ici.

Yangon, retour en case depart

Retour à la case depart, nous voilà revenues à Yangon après 2,5 semaines de périple.
La ville paraît differente de la premiere fois, plus proche de nous. Les villages bien plus reculés et encore vierges de touristes que nous avons visités nous donnent une autre base de comparaison pour appréhender la capitale, qui paraît presque occidentalisée du coup.

Bien sûr, la vieille sur le marché qui propose à Jeanne des insectes grillés pour le goûter (un croisement entre l'abeille obèse et le criquet geant) nous rappelle que nous ne sommes pas encore a Paris, mais on s'en rapproche!

Et puis, autre changement de perception : les birmans qui paraissaient si loin de nous le premier jour nous paraissent familiers maintenant, nous nous sommes prises d'affection pour ce peuple si souriant, si digne et calme. Et puis, la remarque paraitra peut-être simpliste, mais ce peuple est tres beau. Des traits d'une finesse remarquable, des corps sculptés. Ils font juste penser à Dracula lorsqu'il mâchent trop de noix de bétel, mais sinon, ils sont vraiment beaux.

Mais nous avons deux jours encore à Yangon avant de partir pour la Thailande, et je commence à pietiner. La sortie est si proche, et il serait bon de reprendre contact avec l'exterieur, rien que pour savoir si Bush n'a pas été victime de putschistes afghans. La réclusion prolongée me fait penser au scénario de Underground. Et si nous sortions du Myanmar et que le monde n'existait plus, radié de la carte? Etrange impression, de se dire que tout a pu arriver pendant ces 3 semaines, et que nous apprendrons tout à la sortie.
Et puis finalement, on en sort, on apprend que rien n'a changé, que le monde continue à tourner tres bien sans nous. Quelle déception! Et nous qui nous nous pensions indispensables!

Avant de partir, nous repassons une journée avec Nanda. Dans son monastère de baraquements en construction, nous rencontrons son "maître". Puis, vision surréaliste, Nanda nous emmène dans un "department store", l'endroit le plus moderne que nous ayions vu au Myanmar. Jeanne tente de lui faire essayer des T-Shirts psychédeliques, mais il y a des limites a la débauche de moines!
Pour finir, nous allons nous saoûler au milkshake d'avocat (a essayer!), et visiter notre ultime pagode (ouf!) : la "peaceful pagoda", ou Nanda nous offre à chacune une icône de Boudda pour veiller sur nous le reste du voyage.

Voila, ici s'achève le recit du Myanmar.

Nous reprenons la route demain, toutes les bonnes choses ont une fin, et ces 3 jours de plage thailandaise nous ont refait une santé pour repartir vers de nouvelles épopées.
Direction Chiang Mai au Nord de la Thailande, avant de basculer sur le Laos.

A Suivre...