Fiesta del Gran Poder

fin Mai 2002 31/05/2002 18:03

Fiesta del Gran Poder Une seule idee en tete en arrivant a la Paz : dormir!! 5 jours passes a crapahuter entre les moustiques, les nuits torrides, glaciales ou humides (rien de cela n'est contradictoire, le temps passe du tout au tout dans cete region d'Amazonie), et les emotions aeriennes ont fini de m'achever. Il est 18 heures a peine et je me rejouis deja de trouver un petit lit douillet pour faire le tour du cadran. Petite contrariete pourtant : toutes les rues de La Paz semblent etre barrees, des banderoles partout, des policiers pour alterner la circulation, des itineraires bis de tous cotes.. Le chauffeur de taxi nous depose a l'exterieur du centre, et nous laisse nous debrouiller pour retrouver le petit hotel recommande par Mills. Des fanfares, des defiles, des hauts-parleurs qui passent une espece de cumbia a tue-tete.. Mais que se passe-t-il ici, nous demandons nous agaces, Jack et Doug aussi sont epuises et fomentaient le meme reve fou que moi : dormir! Ca a l'air mal parti, la folie est dans toutes les rues, je me demande si ce n'est pas le jour des elections presidentielles qui doivent avoir lieu incessamment sous peu. Mais non, il n'y aurait sans doute pas de chars avec des danseurs debrides, du moins ce n'est pas l'idee que nous nous faisons d'une election presidentielle.. Apres une heure passee a tourner dans les rues bloquees une sur deux, a suer et respirer peniblement dans les rues en cote, avec l'oxygene reduit de la capitale la plus haute du monde, nous finissons tout de meme par localiser le fameux hotel. La receptionniste est dans la rue, en train de taper des mains et de se dehancher au passage des groupes de danseurs costumes, elle nous embrasse en nous voyant arriver, nous fait danser dans le hall, puis me tend sa canette de biere et va s'en chercher uen autre au bar! J'ai beau etre epuisee, l'ambiance commence a m'amuser franchement, j'ai l'impression d'etre arrivee dans une ville en transe. Et effectivement, nous avons atterris sans en avoir la moindre idee au coeur de la plus grande fete de l'annee a La Paz, la fiesta del Gran Poder, fete en l'honneur du Dieu tout puissant- melange entre le dieu catholique et le dieu des indigenes. Je monte mon sac a dos dans la chambre et pense toujours naivement me mettre au lit de bonne heure, lorsque deux femmes hilares me saluent au passage. Elles sont avachies sur les canapes face a la porte de ma chambre, et boivent les memes canettes que la patronne, de la Pacena, une fois encore. Elles me demandent ce que je fais ce soir, je dors, repondais-je, et les voila de rire de plus belle : "tu dors, non mais ca va pas, c'est la plus grande fete de l'annee, et tu as une chance folle d'arriver justement aujourd'hui, c'est une nuit exceptionnelle, il faut que tu nous accompagnes, nous on va faire la fete jusqu'au bout de la nuit". Je bafouille, "non non, franchement, c'est sympa, mais je suis vraiment fatiguee", "bon, alors viens au moins avec nous au defile, et va te coucher apres!", OK, je capitule! Et voila, je croyais toujours partir pour 2 heures seulement.. et apres, au lit! pensai-je encore serieusement! Mais j'ai bien du me rendre a l'evidence : comment rater une fete pareille, une telle transe collective, la fierte bolivienne dans toute sa splendeur? Les mythes originels, la cruaute espagnole, l'espoir indigene, l'esclavitude, le sursaut indien, la revanche.. Tout y etait, dans ces defiles multicolores et sauvages, la folie de la danse, la folie de l'histoire. En une soiree, j'ai mieux compris l'ame bolivienne qu'au cours de ces 3 premieres semaines de voyage. Et puis, pour ma plus grande chance, parmi ces deux femmes hilares rencontrees face a ma chambre, l'une d'elle etait ecrivain, poete et conteuse. Elle m'a fait le don inestimable de me narrer, groupe apres groupe, la signification historique, mythologique et geographique de chaque troupe. A chaque region de Bolivie sa legende, son costume et sa danse. A chaque contree sa folie personnelle. La plus incroyable des fetes de rues que j'ai jamais vues. Plus envie de me coucher, mais alors plus du tout. L'esprit bolivien etait la, devant moi. Les petites vieilles, les jeunes, les enfants, les loubards, les officiels, tous reunis sur des gradins alignes le long des baraques delabrees, a danser tous en coeur au son des musiques traditionnelles, chanter a tue-tete, tout le monde parlant a tout le monde. En tout, 53 groupes de danseurs aux costumes et aux fanfares differentes ont circule dans la ville entiere en dansant plus de 10 heures d'affilee, sans relache. Les danseurs que nous croisions plus tard dans la nuit ne parvenaient plus a marcher, soutenus par des amis ou leur famille. La danse jusqu'a l'epuisement, l'ancetre de la rave-party, existant depuis des siecles! Apres les defiles.. ne m'etais-je pas promis d'aller me coucher? Oui, mais la fatigue m'est passee desormais, mes nouvelles amies ne me lachent plus, nous continuons a danser dans les rues, puis dans le bar de l'hotel, ou je retrouve la receptionniste plus saoule que jamais et fais la connaissance de l'artiste peintre a l'origine de tous les tableaux decorant le bar... Dansant et s'extasiant sur ses oeuvres et les presentant a tout le monde! Lorsque le bar ferme, nous repartons et nous arretons manger aupres d'une marchande de rue, le plat habituel a 5 bolivianos (les prix paraissent se limiter a 1 ou 5, plus pratique pour rendre la monnaie!) compose de riz et poulet, servi dans des grandes gamelles a meme le trottoire. Et puis, au milieu de la nuit, la fete ne fait encore que commencer, je me vois entrainee une fois encore dans une ambiance surrealiste: dans un sous-sol improbable, des groupes de musiciens folkloriques armes de flutes de pan et de grosses caisses entonnent le repertoire traditionnel, et les foules se dechainent, me prenant par la main... Eh oui, on peut meme entrer en transe sur de la flute de pan, pour ceux qui en doutaient!!


 

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