CAMBODGE


 

(12/12 -21/12/2001)


Quand Petit ramoneur rencontre Mr Propre.

Les journees passent et les bus se succedent, je vais faire court pour ne pas rentrer dans le detail de tous les maux que nous commencons a œuvre. Nous touchons presque au but, le but etant Seb toujours, quel honneur nous lui faisons, il est en quelque sorte le magot de la chasse au tresor, a ceci pres qu'on œuvre deja la gagnante ! C'est pas juste, meme si j'arrive avant jeanne, ce sera elle qui touchera le pactole !

De Buriram a Aranya Prathet, nous prenons un bus ramassage scolaire, au sens propre du terme cette fois-ci, nous attendons a toutes les sorties des classes et ramassons des collegiennes hysteriques qui pouffent de rire a nous voir, sans discontinuer. Nous sommes a nouveau les seules touristes du bus, et les seules depuis notre depart de Pakse. La Thailande de l'Est est decidemment la region la moins frequentee par le voyageur standard, qui se retrouve soit sur les plages de debauche au sud, soit a fumer de l'opium dans les montagnes du Nord ! Le cote Est est trop " normale " pour attirer grand monde, les paysages sont sans surprise, comparables aux plaines francaises. Le temps est au gris, pour la premiere fois depuis des semaines, cela fait tout drole, et ne nous aide pas a trouver du charme a cette region delaissee. Qui dit seules touristes dit extra-terrestres, nous reprenons notre statut de betes curieuses, tant mieux, cela commencait a nous manquer !

Jeanne seduit tous les vieux locaux depuis deux jours, celui de l'hotel a insiste pour sortir sa voiture et nous emmener a la station de bus, et un bel enturbanne nous offre des boissons dans le bus, nous finance la dame pipi, et contemple Jeanne l'air beat lorsqu'elle s'endort sur la banquette. Il se leve de son siege pour venir la voir de plus pres, et la devisage, hypnotise. Je commence a craindre le maniaque camoufle en observant son petit jeu du coin de l'œuvre, mais pas du tout ! Il descend 50 km avant nous, et nous sert la mains d'un air rejoui.

Aranya Prathet, un hotel conseille par le Lonely s'avere encore une fois une mauvaise affaire, mais le bon point (ou du moins nous le croyons a ce moment la) est qu'il nous fournit un pick-up affrete le lendemain matin pour 10 personnes, a direction de Siem Reap. Il nous en coutera 6 dollars, mais c'est du direct et sans complication.

Le lendemain, passage de la frontiere cambodgienne, a Poipet (a ne pas confondre avec Pol Pot, ca c'est une autre histoire !), des formalites de douane qui n'en finissent pas, nous y perdons 2 heures. Le premier contact avec le Cambodge est pour le moins deprimant. Des centaines d'enfants font la queue tout autour de nous, mendient, ou offrent leur service pour venir nous abriter sous des parasols pendant que nous attendons a la douane, moyennant quelques pieces. La pauvrete est extreme, elle saute au yeux tout de suite, bien plus qu'au Laos, peut etre meme plus qu'au Myanmar. Poipet est de toute facon reputee pour etre une ville atroce, cela ne devrait pas nous choquer, nous etions prevenues.

La route qui separe Poipet de Siem reap, censee etre une des pires d'Asie selon certains voyageurs qui nous ont precedees, nous œuvre en revanche tout a fait acceptable, comparee aux dernieres routes du Laos, et surtout, comparees a notre souvenir de routes birmanes. Deformation du souvenir, parce que le Myanmar etait notre premiere experience de routes inexistantes, ou realite ? Difficile d'etre objectives, mais cette route se passe tres bien, elle nous œuvre meme reposante par rapport aux derniers bus.


Jeanne est a l'arriere du pick up, ramassant la poussiere comme un aimant, elle nous refait le show du petit ramoneur. Le cradometre indique 3 cm, record battu !
Et dire qu'elle va retrouver Seb dans quelques heures ! Ce sera le choc des cultures, la rencontre de l'homme blanc avec la femme de terre, la civilisation face a la sauvagerie !
Eh oui, il va falloir reapprendre a parler, a pousser la conversation plus loin que les grognements et s'habiller de tissus plutot que de fougeres.. Mais je fais confiance a la patience et a la perseverance de l'homme blanc, d'autres y sont arrives avant lui, domestiquant tarzan sans plus de probleme que ca. Ca devrait etre faisable avec Jane, meme si c'est toujours plus ardu de dompter une femme, bien sur !

A l'arrivee a Siem Reap, la mauvaise surprise : notre pick up ne nous depose pas au centre ville, mais en pleine campagne, devant une auberge de meche avec celle de Thailande, qui nous a affrete ce pick up. Il faudra se battre pour parvenir a regagner le centre ville, apres plus de 30 minutes d'affrontements. " Si vous n'etes pas content, vous prenez un bus ! " nous lance le proprietaire de la guest house, aggressif. Jeanne leur explique gentillement 10 fois de suite que Seb nous attend dans une autre guest house, rien n'y fait, ils font semblant de ne pas comprendre. Je vois rouge, et leur rappelle, moins gentillement que Jeanne, que nous avons achete un billet pour Siem Reap, et non pour leur guest house moisie ! Ils finissent par ceder, et nous deposent non loin de la Smiley GH, ou nous attend Seb.

Je laisse mon petit ramoneur retrouver monsieur propre, et regagne ma nouvelle taniere en solitaire. Je savais bien que ce ne serait pas du jeu a la fin !

Dollars sur pates

Le but atteint, nous pouvons enfin relacher la cadence de ces derniers jours. Plus envie de reprendre la route tout de suite, nous resterons plusieurs jours a Siem Reap, histoire de souffler un peu, nous remettre de cette semaine de voyage, et laisser a Seb le temps de se remettre du decalage horaire.. sans parler des retrouvailles des tourtereaux, chaque chose en son temps !

Cela me laisse bien sur tout le loisir de decouvrir Siem Reap en solitaire, avant d'attaquer les visites des temples d'Ankor, a 6km. En fait, Siem Reap n'existe que par sa proximite du site angkorien. Les touristes y restent souvent 4 jours, le temps d'arriver, puis 3 jours de visite. Le ticket d'entree est vendu a un prix exorbitant, source de devises facile pour le gouvernement. Le choix entre 1 et 3 jours, pas d'intermediaire alors que la meilleure option serait deux jours, evidemment, c'est bien pense. 20 dollars pour 1 journee, 40 dollars pour 3 jours (et pour 2 aussi, par deduction !). A cela se rajoute le cout d'un conducteur de moto, 6 dollars par jour, pour se faire balader d'un temple a l'autre sur le siege arriere.

C'est essentiel, parce que les temples sont separes de plusieurs kilometres, dizaines de kilometres parfois. Meme en se limitant aux trois temples principaux, Angkor Wat, Angkor Thom et Ta Prom, il est illusoire de vouloir le faire a pied, c'est infaisable, meme avec mon entrainement d'athlete ! En revanche, louer des velo serait la meilleure solution, si cela restait autorise aux etrangers. Mais la location est interdite (cela reste a prouver dans les faits, nous avons quand meme vu un ou deux touristes circuler a velo). La raison en est soi disant le fort taux d'accidents mortels de touristes recense par les autorites. Trop inexperimentes pour affronter la conduite de kamikaze des motards cambodgiens. La raison veritable est plutot que la location de conducteurs a 6 dollars fait entrer plus de devises dans les caisses du pays. Si on fait le compte, une visite des temples pendant trois jours revient a 58 dollars, soit 460 francs.. je devrais convertir en euros, excusez ce manque d'a propos ! Mais euro, franc ou dollar, le constat est clair, c'est hors de prix par rapport au niveau de vie du pays, et inaccessible a beaucoup de touristes qui voyagent en routards.

Ma premiere promenade dans Siem Reap tourne rapidement court, je me fais accoster par une demi-douzaine de "moto drivers", ces garcons qui gagnent leur vie en baladant les touristes entre les temples, et sont en recherche perpetuelle de nouveaux arrivants pour leur proposer leurs service. C'est tres gentil au debut, puis cela tourne au harcelement. Je ne peux pas faire un pas dans la rue sans etre accostee de toutes parts pour accepter un conducteur. Il me manque Jeanne pour leur faire comprendre par un sourire gentil que non, decidement non, nous n'avons pas besoin de chauffeur pour le moment. Je suis moins patiente et moins charmante, je laissais ca a Jeanne. Encore des qualites deleguees qu'il va me falloir me reapproprier !

J'attends donc d'etre encadree de Seb et Jeanne pour refaire une tentative de decouverte de Siem Reap. Mais le second essai n'est pas beaucoup plus concluant. Il fait une chaleur accablante, et le marche est un repere de mendiants estropies. La mendicite et la pauvrete sont flagrantes et omnipresentes. C'est le cas depuis que nous avons franchi la frontiere. C'etait deja extreme a Poipet, mais c'est pire encore a Siem Reap. Les handicapes nous suivent, nous sommes cernes d'une nuee d'hommes a bequilles.
Impression tres dure, nous n'avions jamais vecu ca au Laos, bien que le pays soit encore plus sinistre selon les statistiques, par les mines et les bombardements americains de la guere du Vietnam.

Nous rentrons a la guest house, mais le harcelement continue. Non des mendiants, mais les conducteurs de motos encore une fois, qui persistent et signent, nous encadrent sans relache. Surtout moi, qui suis dans une autre guest house que Jeanne et Seb, ou le harcelement est plus systematique encore. Impossible de s'installer deux minutes sur la terrasse avec un livre, je suis entouree en permanence d'une haie de chauffeurs.Ils me tendent une embuscade des que je me leve, encore en pijama et incapable d'articuler trois mots, ou le soir a minuit quand nous buvons un dernier verre sur la terrasse. "Are you going to Angkor today? Can I be your driver?". Pas grave si j'ai deja repondu cinquante fois, ils ne comprennent pas que ma reponse restera la meme. C'est une ecole de patience. Le plus drole est qu'ils ne font aucune distinction entre vieux ou jeunes, allemands ou espagnols, francais ou americains. L'essentiel est d'etre un touriste, blanc, autrement dit un dollars sur pates.

Phnom Bakeng


Trois conducteurs de moto finissent par gagner la partie, et nous emmenent enfin a Angkor, pour admirer le coucher de soleil depuis Phnom Bakeng. Phnom, que l'on retrouve dans Phnom Penh, signifie montagne. C'est donc un joli point de vue sur Angkor, Angkor Wat a l'Est et le Tonle Sap (Grand Lac, qui part de Siem reap et rejoint Phnom Penh) a l'Ouest, et notre premier contact avec ce site fantastique.

Apres reflexion, nous avons pris la formule "une journee" et non trois, sachant que la journee de visite commence en realite la veille a 16h, ce qui permet de contempler les temples une premiere fois, et d'en avoir deja un bel apercu. Bien sur, le coucher de soleil depuis Phnom Bakeng attire des centaines de touristes, nous ne sommes vraiment pas les seuls, mais cela n'enleve rien a la splendeur de ce point de vue. Premiere rencontre avec Angkor Wat. Magnifique.
Je pense a Bagan, au Myanmar, autre site culturel majeur ou j'avais ete un peu decue, mais qui se dispute avec ces ruines la premiere place du site antique d'Asie du Sud Est le plus imposant. J'ai deja le pressentiment, qui va etre largement confirme le lendemain, que je prefererai Angkor aux ruines birmanes.

Nous redecendons de Phnom Bakeng le soleil couche. La vision qui nous attend est nettement moins paradisiaque. De nouveaux mutiles jonchent le sol tout le long de la descente. Je me demande comment il sont parvenus a monter. Ils mendient dans la penombre.

Des petites chipies sympathiques nous tournent autour pour nous vendre leurs babioles, puis pour jouer, tout simplement. Jeanne sympathise avec l'une d'elle, en attendant Seb qui devient notre reporter "culture et societe". Il mitraille les environs de son appareil photo, extension de son propre corps. "L'homme-appareil", encore appele : le cyclope ! La petite chipie rit de bon œuvre avec Jeanne, 8 ans au plus et degourdie comme un beau diable, puis Seb nous rejoint, et nous regagnons nos motos respectives.


Nous repartons pour Siem Reap cheveux au vent, au milieu des allees bordees d'arbres geants, dont les ombres infinies se perdent dans la nuit. Une agreable fraicheur fait enfin place a la canicule de la journee, c'est la plus belle heure du jour.


Angkor Wat

Longue et belle journee a Angkor. Puisque nous avons pris la formule one day, nous decidons d'optimiser. Lever a 5h pour voir le lever du soleil sur Angkor Wat. Cet engouement de masse pour les levers et couchers de soleil doit œuvre surnaturel vu de Œuvre ! Mais en Asie, ce sont les plus grands moments de la journee, tout le monde les attend avec impatience, les prepare et les implore, comme si le soleil ne se levait qu'une fois tous les 50 ans, ou que son coucher signifiait son extinction definitive ! Cela semble assez risible, vu de l'exterieur, mais nous sommes tous victimes de cette passion de foules en Asie.

Ceci dit, nous n'avons decidement pas de chance avec les levers de soleil. Le ciel est couvert, ce matin encore. Les centaines de touristes assembles la attendent le meme evenement, le seul lever de soleil de leur vie, ou peut etre qu'aujourd'hui tout particulierement une soucoupe volante se posera sur Angkor Wat. C'est la supposition de Seb, qui est la derniere recrue de la secte du soleil !

Soucoupe volante ou boule de feu, on ne sait pas trop ce qui est passe derriere les nuages, en tout ca on n'a rien vu ! Tous les membres de la secte du soleil seront abattus pour le reste de la journee, bluffes par ce non-evenement. Le soleil s'est fait attendre, pudiquement enveloppe d'une echarpe de nuages. Et puis, sans que personne ne l'ait vu venir, il etait deja haut dans le ciel !

Mais ce n'est pas grave, cette douce utopie nous aura au moins fait lever suffisamment tot pour disposer d'une journee entiere, et nous l'optimiserons de la meilleure des manieres.
2 heures a Angkor War, 3 heures a Angkor Thom, 2 heures a Ta Prom, nous avons vu les trois principaux temples et il nous reste encore toute l'apres midi pour nous rendre a Banteay Srei, plus petit temple, mais celebre comme une petite splendeur miniature.

Angkor Wat est le versaillais cambodgien, des jardins a l'interieur des douves, des bassins recouverts de lotus roses menent a des ramparts de pierres, successifs et concentriques, representation du mythique Mont Meru. Selon la legende bouddiste, la terre serait un grand continent unique, au milieu duquel se trouve le Mont Meru, grande montagne formee de cinq grandes chaines de montagne successives, jusqu'au sommet qui relie la terre au paradis. Les cinq chaines de montagne sont bien sur les differentes etapes a franchir avant d'atteindre le paradis.
Au centre d'Angkor Wat se trouve une tour dans laquelle trone un Bouddha. Un vieux moine veille sur lui et l'honore par des batons d'encens en incandescence qui diffusent une odeur pregante dans l'ensemble du temple. Je comprends enfin que ce n'etait pas une odeur de majijuana comme je le supposais !

C'est dommage, pour rendre les impressions de ce voyage au mieux, l'ecriture n'est qu'une pale approximation. Pour etre plus precis,il faudrait ramener un capteur d'odeurs et un magnetophone, ne serait-ce que pour enregistrer nos amis les coqs et capter les odeurs d'encens et de fleurs !

Tout autour du temple, une esplanade est sculptee de bas-reliefs magnifiques, tres bien conserves et encore recouverts de laque de couleur par endroit. Il me semble qu'ils sont d'epoque, mais je me trompe peut-etre, nous n'avons pas de guide. Les bas-reliefs en frise recouvrent toute l'esplanade, ils representent des scenes de combat, avec Vishnu en heros le plus souvent. Des scenes etonnamment intimes, aussi, comme une femme qui accouche. Des hommes qui se battent contre des animaux mythologiques, garudas (creature avec un corps d'homme et une tete d'oiseau), nagas (serpent d'eau semi-divin). Et puis surtout, la figure recurrente sur tous les temples d'Angkor, tous les pilliers, tous les frontispices, est l'Apsara, ou nymphe celeste, silhouette tres feminine, statique ou en train de danser.

Je renvoie Jeanne et Seb qui les avaient manques et pensaient s'en tirer ainsi, telle la prof de culture tyrannique qui ne tolere aucun ecart ! "Et vous me ferez un resume complet de ce que vous avez vu, et par ecrit, s'il vous plait !"


Et la nature vainquit..

Apres Angkor Wat, le Bayon et Ta Prom sont tout aussi imposants, voir plus majestueux encore. J'aimerais parvenir a decrire le Bayon, temple splendide compose de 54 tours sculptees en visages gigantissimes, mais l'impression est difficile a restituer. La meilleure approximation serait de parler des visages de presidents americains tailles dans la montagne d'Hollywood, mais quelle heresie ! Ici, tous les visages sont identiques, mais les historiens ne savent toujours pas avec exactitude de qui il s'agit. Certains pensent au roi fondateur du site d'Angkor, le Khmer Jayavarman VII. D'autres au Bodhisattva Avalokitshevara (un bodhisattva est un homme passé par toutes les etapes manant au nirvana, mais qui le refuse, pour aider les homes a l'atteindre aussi. Sorte de Messie bouddhiste, en fait, pour continuer dans mes images d'heretique !).

Je vous epargne le detail des bas-reliefs et des apsaras qui entourent tout le temple. Jeanne et Seb m'ont fait comprendre que ca n'interessait que moi, j'abrege !
Je vous parlerai simplement de Ta Prom pour finir, qui est sans doute le temple le plus surprenant de tous. Non pour son architecture ou ses bas-reliefs cette fois-ci, mais pour l'alliance incroyable de la jungle et de la pierre qu'il represente. C'est le triomphe de la nature sur le chef d'œuvre de l'homme, et le rappel qu'il en sera toujours ainsi, quels que soient nos effort.

Des racines de 10 metres de long, tentaculaires, se deploient autour des temples, s'incrustent dans les interstices, rampent de la base aux sommets. Ce sont par endroits d'enormes mains a 300 doigts qui empoignent les tourelles, les etouffent egorgees dans d'immenses tenailles. Des racines partout, arbres blancs bruns ocres, enserrent petit a petit tous les residus de brique et resserrent leur poigne sur le visiteur.
A l'entree se trouve une tour similaire a celles du Bayon, sculptee d'un enorme visage d'Avalokitsvara. Mais ce visage est encadre d'une chevelure verte ebouriffee, la jungle ne l'a pas epargne non plus.

 

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