Le Bus Bolivien de l enfer
De :
"Helene Reichardt"
Objet :
Le bus de l'enfer
Date :
Sun, 19 May 2002 22:23:58 +0000
Le lendemain, je prends conge de Clare, l'Americaine qui m'a accompagnee
dans cette redecouverte de Sucre, et me dirige vaillamment vers le terminal
de bus, enfin prete a partir pour Santa Cruz coute que coute! Au diable les
15 heures de bus qui m'attendent, on a deja fait pire! Je ne me laisse pas
effrayer non plus par le siege - ultime siege arriere (Jeanne, toi seule
peut comprendre ma souffrance!!)- que l'on m'a reserve, ni par les deux
affreux bambins qui m'encadrent. J'arriverai. C'est l'essentiel.
Ceci dit, lorsque le bus creve a 1 heure du matin apres avoir toussote des
heures sur des routes de terre et de caillasses defoncees, que le chauffeur
essaie de changer la roue tout seul au milieu de nulle part dans une nuit de
jais, que seules Orion et la Croix du sud me lancent un regard familier a
des annees lumieres a la ronde, je commence a penser que je ne suis pas
rendue. Mais je tiens bon, pas encore de crise d'hysterie, tout est
surmontable, meme au milieu de nulle part!
Miracle, nous repartons, quelques lamentations et jurons plus tard, c'est
reparti pour un tour dans mon lit a baldaquin, a peine quelques crepes qui
m'envoient valser contre le plafond, quelques bleus, quelques bosses, mais
ca reste negligeable. Puis je joue nonchalammant au freesbee avec l'affreux
Diego, petit morveux qui a elu domicile sur mon siege, allonge moitie sur sa
mere moitie sur moi, c'est quand meme plus confortable, mais en toute bonne
humeur toujours, je suis equanime!
A 4 heures du matin, le cauchemard reprend de plus belle. Apres la
crevaison, voici venue l'heure de la reparation. Nous avons atteint un
semblant de village, un semblant de lampadaire, sous lequel notre chauffeur
entreprend de colmater le trou de la chambre a air, apres s'etre assure le
renfort de quelques villageois. Les villageois en chemise et bonnet de nuit
(la j'exagere, mais j'ai eu une vision subite de Louis de Funes reveille par
les cloches avec ses boules quies, desole!!) ne sont pas encore bien
alertes, et ils s'y reprennent a 15 fois avant de laisser ce pauvre vieux
caoutchouc tranquille.
Nous ne repartons que deux heures plus tard, avec un Diego hysterique : "
Mamita, cocola!!! Mamita Cocola!! mamita Cocola!!". La Mamita finit par
comprendre que son delicieux bambin ne cedera pas, elle fait arreter le
chauffeur de bus au prochain village, et part a la recherche d'une bouteille
de coca pour ne pas se faire fouetter par l'angelot. Comment trouve t-elle a
6 heures du matin, c'est un mystere, mais elle revient triomphale, une
bouteille a la main! Diego engloutit sa bouteille, il a 3 ans a peine mais
se noit dans les bulles, puis apres un rot phenomenal, part d'un rire de
joker inextinguible, du rire de sadique satisfait qui est encore parvenu a
ses fins!!
J'etais patiente, bien disposee, fraiche et conciliante.. mais la je
CRAQUE!!! Au prochain village, je decide de me faire deposer, n'importe ou,
n'importe quand!! Je descends!!
Voila, il est 7 heures, il fait jour, quelques cahutes en vue, cela suffira
a faire mon bonheur. Je descends donc, et quelle n'est pas ma surprise de me
retrouver avec deux autres canadiens et leur bebe, qui eux aussi ont choisi
ce petit hameau pour faire une pause. En fait, apres discussion, il s'avere
que dans leur cas, cette halte n'a rien d'un coup de tete : ils ont
selectionne ce petit village de longue date, entre tous dans tout le pays,
pour s'y marier!!