AUSTRALIE

(25/12/2001- 25/1/2002)

Arrivee peu glorieuse en Australie

Salut a tous et bonne annee 2002 avec une once de retard!

Delphine avait raison de soupconner Philippe, c'est bien lui qui m'a barre la voie de la communication intersiderale les 2 dernieres semaines! Mais ce mail celebre mon grand come-back, apres avoir ete victime de la seconde desertion infame a repertorier dans ma longue carriere de globe trotteuse. Philippe vient a son tour de quitter le navire, et je vais aller noyer ma peine dans le Pacifique. Et puis, sans doute me verrai-je forcee de sympathiser avec les plus decolores des surfeurs australiens pour tromper ma souffrance, quel triste sort!

Pour ce qui est du recit, pas facile de recoller les morceaux. Comme le souligne Marc, j'ai par deux fois deja infirme la dramaturgie croissante (je cite!) de l'epopee, et ce n'est pas la pause de 15 jours qui rendra les choses faciles! Reparler d'Asie me parait un peu perime apres ces 3 semaines australiennes, mais quel dommage de ne pas citer Phom Penh, les campagnes cambodgiennes decouvertes a mobylette, les combats de coqs.. Et puis les quelques jours passes au Vietnam : Saigon, le Delta du mekong, l'Eglise Cao Dai, les tunnels de Cu-Chi. Dommage, mais ca sent trop le rechauffe, alors tant pis, j'en parlerai a mes petits enfants lors de veillees au coin du feu!

Direction l'Australie, donc, j'en etait restee a mon arrivee a Melbourne et a ce choc thermique insupportable du passage des 30 degres asiatiques aux 10 degres australiens. Je sais, je sais, c'est peu charitable de ma part de vous narguer avec des temperatures excedant toujours de 20 degres vos moyennes saisonnieres, mais j'ai jure de dire la verite, rien que la verite, toute la verite (pour info, je me trouve actuellement a Cairns, 40 degres a l'ombre et je me liquefie peu a peu en tapant ces trois mots! Je risque de ne pas faire long feu et d'omettre a dessein quelques details croustillants, histoire d'aller piquer une tete dans l'ocean plus tot!)

Bon, mais j'en etais a Melbourne, toujours cette facheuse tendance a mettre la charue avant les boeufs et menacer la coherence de ma trame dramatique. Et dramatique, ca l'etait vraiment, ces premiers jours a Melbourne m'ont vu sombrer peu a peu dans la depression la plus aigue. Pas de dinde, et meme si c'etait prevu, c'est toujours dur a surmonter, pas de soleil, et ca en revanche, ce n'etait pas prevu, personne dans les rues les 3 jours apres Noel, et enfin ma goutte au nez, empirant d'heures en heures sous la clim inextinguible de mon dortoire desert. Scenario catastrophe, Philippe n'arrivant que dans 3 jours, et les infos australiennes me rappelant que le brasier est a Sydney, et que ce n'est pas a Melbourne que je pourai enfiler ma tenue de fireman en peau de croco pour envoyer les photos a Delphine!

Pas tres brillant, rien a faire dans cette ville fermee au public, les fetes ont lieu dans les chaumieres, les musees sont fermes, et il me faudra attendre 2 jours avant de pouvoir m'acheter un pull de survie. Ben oui, parce que dans mon bilan vestimentaire, je crois avoir mentionne la perte de mes 2 pulls, et ce n'est pas en Asie que ca allait me manquer. Je m'etais bien achete une superbe chemise communiste dans l'aeroport de Saigon, histoire de supporter les 10 heures d'avion climatise, mais ca ne fait pas l'affaire a Melbourne, il faut passer a la veste polaire.

Je m'equipe donc un peu trop tard, la goutte a gagne les bronches, et je tousse a fendre l'ame dans ma chambre qui raisonne, je me fais un remake de la Dame aux camelias que j'applaudis toute seule. Le pire est que je n'ai meme plus le recours d'aller tousser dans l'escalier au milieu de la nuit pour reveiller toute la famille et que maman vienne compatir et me faire une tisane au miel. Voila, c'est ca quand on veut s'affirmer a l'autre bout du globe, plus de tyrannie familiale et plus de grog, je n'ai plus qu'a m'emmitouffler dans mon sac de couchage et attendre que ca passe!

Heureusement, une rencontre salvatrice me tire du lit. Marjorie, quebecoise installee a Sydney pour les 6 mois qui suivront, et de passage a Melbourne elle aussi, m'entraine a surmonter ma torpeur, et nous partons decouvrir les environs de la ville ensemble. Les parcs, la plage, Saint-Kilda. Melbourne me redevient un peu plus sympathique lorsque j'apercois l'eau. Ah oui, parce que j'ai oublie un detail, mais d'importance pour comprendre ma descente aux enfers depuis que j'ai pose le pied sur le sol australien : Melbourne ressemble a s'y meprendre a Frankfurt! Ahhhhhhrghhhhh!!!!! Faire tout ce chemin pour ca, demissionner et braver les typhons et les bombes d'Al-Quaeda prevues le jour de noel, pour me retrouver sur la Zeil, cette bonne vieille rue commercante d'ou se degage une savoureuse odeur de hot-dogs et de paves mouilles! Pauvre de moi! De quoi mieux comprendre aussi mon angine psychosomatique!

Bref, Marjorie et la plage egaient un peu cette grisaille, et puis a force de gemir, viendra bien un jour ou Philippe debarquera dans cette galere et reprendra le flambeau de maman pour me faire des tisanes a l'eucalyptus et jouer a l'infirmier pris en otage par sa malade intraitable! Philippe, epuise par ses derniers mois de labeur et ses 25 heures de vol, est parti empli d'espoir quant a la possibilite d'aller se refaire une sante et un petit hale sur les plages du Sud, dans une suite 5 etoiles avec jacouzzi et vue sur l'ocean, apres m'avoir retrouvee mince, musclee et bronzee. Mais il est formidable, il ne defaille pas a la vue de la grosse larve livide qui l'attend a l'aeroport en eternuant toutes les deux minutes, ne sourcille pas non plus en sortant du hall principal et se faisant arroser par la premiere averse celebrant son arrivee, et parait ravi a la vue de l'auberge que je nous ai reservee.. Il sauve meme les cafards de la noyade dans la salle de bain, persuade qu'un cafard est plus heureux dans une poubelle que dans un evier, je ne sais pas, il faudrait leur demander!

Apres le sauvetage du cafard, il s'attaque a plus coriace : le sauvetage de la larve bornee, qui ne veut ni sirop anti-toux, ni tablettes effervescentes composee de toutes les vitamines du monde et d'aspro reunis. Comme toujours, mon antidote se resume a 3 litres de the par heure, et je compte bien demontrer une fois encore que la volonte a raison de tous les mesquins petits virus. Mais cette fois ci, mon antidote met du temps a agir, et je me rends le quatrieme jour pour sauver les vacances de Philippe au chevet d'une souffreteuse, avalant sans plus de resistance tous les cocktails de vitamines et cuilleres de sirops proposes!

Ceci dit, ce ne sont pas ces quelques quintes de toux qui allaient nous immobiliser a Melbourne, et la ville n'a pas deploye assez de charmes pour nous retenir tres longuement. Nous partons rapidement pour la Great Ocean Road, route cotiere magnifique reliant Melbourne a Adelaide.

Les australiens

Avant de partir sur la Great Ocean Road, nous avons quand meme eu la magnifique idee de visiter le Musee de l'Immigration de Melbourne, seul pole culturel de la ville dirait-on pour etre mauvaise langue! Ce musee retrace les differentes vagues d'immigrants venus peupler l'Australie depuis le 19eme siecle.

Interessant de tracer le parallele avec les Etats-Unis et le Canada, avec tout ce qui en differe. Ce qui en differe, c'est d'abord la tres faible ampleur de l'immigration initiale, et puis la lente evolution vers la societe contemporaine. A peine quelques colonies de detenus au depart, importes de force sur le sol australien depuis la Grande-Bretagne au debut du 19eme siecle. En fait, il faut attendre les annees 1850 pour que les premiers colons consentants fassent leur apparition, lors de la grande ruee vers l'or, assez comparable la encore a celle des USA.

Et puis, des colonies eparses s'installent a differents endroits, et ne seront federees qu'en 1901. L'histoire de la White Australia n'a donc qu'un siecle, et pourtant, tous ces migrants bien pensants se sont octroyes absolument tous les droits sur les aborigenes. Pire encore, migrants eux-memes, ils ont pourtant instaure tout un panel de lois limitant l'immigration aux europeens blancs, et empechant aux asiatiques d'entrer librement.

La plus grande liberte d'entree etait bien sur reservee aux englais, irlandais, ecossais. Toleres etaient les allemands, francais, hollandais. Pour s'assurer cette limitation, le gouvernement australien avait mis au point une loi incroyable, reposant sur le "dictation test". Le principe etait que toute personne demandant a etre acceptee en Australie devait etre soumise a un test de langue, dans n'importe quelle langue choisie par le comite de decision... mais europeenne uniquement! Autrement dit, une bonne maniere d'empecher chinois, vietnamiens ou cambodgiens de mettre un pied en Australie.

Cette loi quasi dictatoriale a quand meme perdure jusqu'en 1958, et dire que pendant tout ce temps, ils se targaient deja d'etre le pays de la tolerance! S'ils ont enfin change leur fusil d'epaule, et fini par accepter les refugies vietnamiens, c'est surtout que comme la France des annees 60, ils avaient un besoin criant de main-d'oeuvre. Alors aujourd'hui, c'est assez amusant de visiter le musee et de lire leur panneaux de propagande. D'abord anti-chinois au debut du siecle, puis subitement, propagande louant leur ouverture et celebrant l'Australie comme terre d'accueil universel, pour tous les refugies du monde. Yougoslaves, Somaliens, Cambodgiens, polonais, etc.. ce serait presque credible si le gouvernement actuel de John Howard (tout juste reelu pour un nouveau mandat), ne s'etait pas illustre ces derniers temps par son refus d'accepter des boat people dans ses eaux, et les renvoyant vers des iles comme Nassau ou la Papouasie.

Ben m'avait prevenue, et avait deja ecaille un peu l'image d'epinal que j'avais du pays. Apres avoir sillonne tout le pays en long et en large dans son mobile home avec les autres english boys (la colonie de vacance du Laos), il etait bien le premier a me dire que l'Australie ne l'attirait pas plus que ca, et qu'il n'envisageait pas du tout d'y passer un morceau de vie. L'Australie representait jusqu'a present pour moi ce continent mythique attirant tous les voyageurs et amoureux des grands espaces, et dont personne ne souhaitait repartir.

Ben reconnaissait que les paysages sont magnifiques, mais il m'apprenait que les australiens ont la memoire plus courte encore que les americains, et que leurs principes "d'education" de la population aborigene par la force a ete caracterisee par les methodes les plus barbares qui soient. Ce n'est que tres recemment, il y a quelques annees a peine, que le scandale de la "generation volee" (stolen generation) a eclate. Le gouvernement australien a enleve des enfants aborigenes de force pour les placer dans des familles blanches ou dans des centres pour orphelins, n'ayant rien trouve de mieux pour les "civiliser". Cette generation a maintenant dans les 40 ans, et se compose en grande majorite d'alcooliques et de junkies. Bien joue, le gouvernement, on n'avait pas trouve mieux depuis les camps de reeducation a la communiste!

La Great Ocean Road


Bon, apres avoir taille un short aux australiens, me revoila sur la Great Ocean Road. Meme si la population est douteuse, leurs paysages n'en restent pas moins fantastiques! Dommage que le temps soit toujours aussi decevant, ils n'ont jamais vu ca depuis que meteo Australia existe! Au debut, ils me disaient "record de froid depuis 1916", puis "record de froid toutes categories". Enfin, il faut relativiser, cela ne fait jamais qu'1,5 siecles qu'ils sont la, alors leurs "coldest, ever", c'est un peu comme les critiques de bestsellers sur les couvertures des bouquins ou dans les pubs d'hebdos : "best novel, ever", "greattest story, ever", "most dramatic fiction, ever"..
Ils devraient arreter avec leurs "ever", et faire de petites recherches bibliographiques ou comparaisons historique. Ou se mettre a lire, tout simplement!

Enfin, pour Philippe, le "coldest ever" est credible, il n'aurait jamais envisage ca en sautant hors de l'avion! Adieu les protection ecran total, ecran 60 et 80 avec abaissement progressif de la barriere anti-UV pour rentrer a Paris triomphal, nanti d'un hale a faire se pamer toutes les parisiennes! Le mauvais temps est bien parti, et c'est bien dommage pour nos barbotages esperes le long de la great ocean road. Meme notre tentative de pic-nic tourne court, les jambons et fromages effarouches s'envolent, mon brushing a du mal a resister, et Philippe prend des airs de Fido Dido relooke par sa paille de Seven Up.

Pas de baignade et un pic nic ecourte, mais les paysages sont toujours aussi splendides, le vent et les nuages donnent meme un petit air breton a l'ensemble (du moins du cote Ile de Batz, pas de Roscoff, je te rassure Marie!). Les surfeurs ne se laissent pas decourager par le froid de canard, ils ne resistent pas a l'envie de se faire admirer une fois encore, vetus de leur combinaison pare-canards. Moins beaux que dans Point Break quand meme, un peu maigrichons, Philippe a l'air d'un bulldozer a cote!

Nous passons Geelong, Torquay, Lorne, Apollo Bay, en faisant des haltes expresses a tous les points de vue, pour ne pas etre balayes d'une rafale par dessus les falaises. Il y a beau y avoir des balustrades, les vents se dechainent, et avec mes quintes de toux recurrentes, je ne dispose pas de ma force legendaire pour m'incruster dans le sol! Je peux bien sur compter sur ma force de gravite, qui elle, ne m'abandonne jamais, mais il vaut mieux se mefier quand meme!

Les etapes se font donc de plus en plus breves, nous ne nous attardons pas de maniere a arriver a Warrambool le soir pour respecter notre planning tres etudie(!). En fait, nous sommes le 30 decembre, et le but du jeu est d'arriver au Parc Naturel des Grampians le 31, pour faire un remake de Santa-Barbara, Eden et Cruz au coin du feu sur une peau d'ours!

Nous nous hatons donc, decides a ne plus marquer d'etapes sur la Great Road, et arriver avant la nuit a Warrnambool. Je dors a moitie dans la voiture, bercee par la douce techno allemande que Philippe m'a degottee je ne sais ou (la techno allemande, ou comment plonger dans un monde parallele a la douceur melodieuse, "Willkommen im Land der Traueme"!). Hypnotisee par ces rythmes entrainants, je suis disciple, j'abandonne tout esprit critique pour me fondre dans l'Esprit du maitre, je.. je... Ahhh!! mais non, ce n'etait qu'un mauvais reve, ouf, on a remis la radio!

Pendant que je divagais, Philippe avait toujours la situation bien en main. Faisant une entorse tres judicieuse a notre regle de ne plus s'arreter, le voila qui se gare sur un parking et me demande de le suivre. Je gromelle, comme d'habitude, il faisait bien chaud dans la voiture, la musique me transportait, et en plus, je suis pieds nus et je n'ai pas envie de remettre mes chaussures! Ben oui, ca fait partie des choses surhumaines, au bout de quelques mois de voyages! On n'arrive plus autant qu'avant a renoncer aux petits conforts ephemeres, on s'y accroche comme si c'etaient les derniers! Bon, enfin, je cede, je me fais trainer sur le parking par un Philippe plus decide que jamais, et je ne sais toujours pas ce qu'on va voir.

On traverse un tunnel sous-terrain, puis suivons une allee d'une centaine de metres.. Quand nous nous trouvons subitement face a un point de vue vertigineux, sur une falaise haute de plusieurs dizaines de metres, nous offrant une vue imprenable sur les "Douzes Apotres". Les douzes apotres, ce sont douzes rochers sculptes par l'eau, des morceaux de falaises comme tranches a la machette, et derives a cent metres du bord. Cette vue est splendide, et le vent et le froid n'y enleveront rien cette fois ci, cela contribue meme a donner un aspect un peu inquietant a la scene, une version ecossaise des rives du sud! On en serait presque a attendre l'apparition d'un gros monstre sous-marin en train de ricaner devant nous!

Merci Philippe, tu as bien fait de me trainer, et on reprend la route pour Warrnambool plus guillerets que jamais! On finit par atteindre cette ville au nom chantant, que Philippe n'arrivera d'ailleurs jamais a prononcer (warnanc, warrec, warr...), tout juste le temps d'attraper le coucher de soleil sur le lac. Pas sur la mer, le soleil ne nous a pas attendu aussi longtemps, mais la fete foraine le remplace. Devant les dunes, c'est barbapapa et auto-boxes, avec Kylie Minogue (une petite pensee pour Marc et Fanny!) qui hurle dans les hauts parleurs. Que rever de mieux?!

Wonder 31 decembre

Nous arrivons comme prevu au Parc National des Grampians le 31, pour y feter dignement la nouvelle annee. Ici, tout est "wonder". C'est non seulement "most ever", c'est egalement "wonder"! Les chaines de montagnes s'appellent les Wonderland Range, notre petit nid de paradis s'appelle "wonderland cabin", et Philippe et moi sommes wonderfully wonderful, ca tombe bien!

Le seul detail toujours pas wonder, c'est le temps, qui nous en veut decidemment. Mais j'avoue que ce n'est pas vraiment pour me deplaire une fois n'est pas coutume, parce que mes quintes de toux de vieille fumeuse de cherros repartent de plus belle, et le temps m'offre une bonne excuse pour ne pas aller gambader dans les collines!

Et puis, ce n'est pas bien grave, au lieu de nous faire un scenario sportif, ce sera seance culture. A l'entree du parc se trouve un Visitor Center passionnant, ou nous passons deux heures de seminaire intensif pour nous entrainer a reconnaitre les roches granitiques et les cris de pinsons ou d'animaux nocturnes, d'ici qu'on se fasse pieger par un hibou! Nous en ressortons grandis, il n'est pas encore ne le koala qui essaiera de nous embrouiller en jouant au colibri, non non, ca ne prend plus! Le soir meme, Philippe sera a l'affut, poste sous la fenetre donnant sur les branches d'eucalyptus, a traquer le koala!

Pas de koala en vue, alors retour aux choses serieuses : feu de cheminee et repas princier, voila une annee qui commence en bonne et due forme! Et encore plus wonderful : les wonderland cabins n'acceptent pas de wonder-petards, ca fait du bien de passer un Nouvel An sans wonder-excites!

Et puis, c'est amusant de penser a vous tous en prenant notre petit dejeuner a 10 heures du matin, et realiser que vous etes toujours en 2001, bande de retardataires, he he he!

Et ils braverent tous les cyclones...

Et voila, nous sommes en 2002 sans meme l'avoir remarque, il est temps de devenir belle, mince et bronzee, ben non, j'ai toujours pas reussi en 2001, meme apres des mois de voyage, qui l'eut cru, j'arrive a resister aux sirenes de la perfection corporelle! Mais c'est pour la bonne cause, c'est pour etre sure que Philippe me reconnaisse a l'aeroport, rien de pire que les hommes qui se detournent en ratant leur dulcinee. Et puis, il ne manquerait plus que je sois trop parfaite et qu'il me prefere Balasko.. Il vaut mieux prendre les devants!

Pour commencer, faisons un peu de sport et aneantissons une fois pour toute ces virus asiatiques gluants, il suffit d'aller courir un peu dans les montagnes et faire fi de ces trois gouttes de pluie. Mais pour etre honnete, le ciel 2002 n'a pas l'air plus clement que le 2001. De la pluie, de la pluie, et encore de la pluie! Philippe est pourtant un optimiste impenitent, et ne manque pas de repeter chaque jour et a chaque eclaircie : "ca s'ameliore, ca s'ameliore"... Avant d'etre englouti sous une rafale d'eau!

Et dire que Sydney brule toujours, comment se fait il que nous plafonnons a 12 degres ici? Comme dirait Klaus, avec sa grosse voix indignee et son accent a couper au couteau : "il est fou, le temps!"! Oui, il est vraiment fou, et tout ca, c'est la faute de ces maudits humains qui detraquent tout avec leurs pots d'echappement et leurs sprays Narta. Moi je dis non au deodorant, il ne passera pas par moi, surtout en voyage! (Merci quand meme Philippe, mais non, c'est non! je n'aggrandirai pas le trou de la couche d'ozone! Pardon? C'est un stick, pas un spray? Eh bien c'est non quand meme..!)

Et puis, dur de tenir mes resolutions toutes fraiches de future body-buildee, lorsque je n'ai plus qu'un filet de voix, sans meme avoir eu besoin de m'egosiller sur "Anton aus Tyrol" cette fois!
Mais bon, on ne va pas se laisser intimider par si peu, on a deja vu le visitor Center hier, donc plus d'excuse. Comme dirait maman, il suffit d'un bon equipement, un KWay, un parapluie, et c'est reparti comme en 40!

Bon, eh bien je dois dire qu'il y a toujours du bon a se forcer! Venus Bath, le Pinnacle, la rue du Silence, le Grand Canyon, et bien sur, comme il ne faut pas oublier le wonderful, la Wonderland Loop, c'est tout bonnement magnifique, et j'aurais eu bien tord de rester au lit a me lamenter et batir une montagne parallele de mouchoirs en papiers!
Ici, ce n'est pas tant la vegetation exceptionnelle que les roches qui affleurent ca et la, qui nous tiennent en respect. Voici le TP du cours theorique de la veille, geologique, botanique et animalier. Philippe trebuche sur les racines a force de chercher les koalas, mais il n'en voit toujours pas, nous aurait-on menti?

De mon cote, je fais fuire tous les oiseaux a force de me moucher. Enfin, tous sauf trois, les trois morfales qui veulent nous piquer nos sandwichs, et ont franchement l'air menacant. Des especes de corbeaux aux yeux jaunes, avec des becs de 20 cm (au moins!), Philippe pense a Hitchkok, moi a Bollek et Poppek (enfin, a y repenser, je ne suis pas trop sure du nom, mais souvenez vous, ces deux grands corbeaux avec des tronconneuses.. Aviva, tu dois bien savoir ca, non?!). Toujours est-il que ces affreux volatiles menacant de nous crever les yeux si nous ne lachons pas nos sandwichs reussissent bel et bien a nous faire fuire, nous plantons le drapeau blanc et prenons nos jambes a nos cous!

Le soleil fait une furtive apparition de temps en temps, des oiseaux plus sympathiques, rouges et bleus, prennent leur envol au dessus de nos tetes, des papillons multicolores se posent sur les arbres oranges (pas de couleurs d'automne, mais les arbres sont comme foudroyes, orange rouille)... Presque le paradis, mais toujours pas de koalas! Et bientot une nouvelle saucee pour nous rappeler que le paradis... Eh bien c'est pour plus tard!

Mettez du kangourou dans votre bol de lait

Mis en jambes par cette petite (!) balade d'essai, Philippe est pret a remettre ca des le lendemain matin, sans pitie aucune pour ma bronchite repartie de plus belle et pas franchement aidee par les longues heures de marche sous la pluie. On dit guerir le mal par le mal, je dirais plutot "achever par le mal", toujours au quatrieme dessous sous ma couette et pas prete a en etre delogee de si tot!

Philippe essaie toutes les strategies les plus rusees pour me faire lacher mon bastion, rien n'y fait, je suis incrustee dans mon linceul, et rien ne dit que je m'en leverai au troisieme jour (du moins pas avant Paques, et seulement si les poules ont des dents!). Bien entetee et tapie dans ma taniere, je ne leve meme pas la tete lorsque Philippe me crie : "Viens voir, y a des kangourous dans le jardin!". Mouai, c'est ca, mais moi j'ai Mel Gibson dans mon lit, alors franchement, tes kangourous...

Mais Philippe ne revenant pas avec une nouvelle strategie, je me dis tout doucement avec mon petit cerveau endormi que la probabilite d'avoir des kangourous dans le jardin en Australie est un tantinet plus elevee que celle d'apercevoir Mel en train de bailler sur l'oreiller, meme s'il est australien lui aussi!

Je me leve un peu plus rapidement que prevu, vais me coller a la fenetre.. Et la, incroyable : j'apercois effectivement deux kangourous en train de se faire un bon petit dejeuner de gazon tout frais! J'ouvre la porte (en pijama, j'avoue, mais who cares?!), et m'approche a pas de loup pour venir les observer de plus pres. Jusqu'a me trouver face a face avec le plus petit, qui me regarde interrogateur, l'air de demander : "tu veux quoi, au juste, la grande?"

Philippe me rappelle en chuchottant que les kangourous sont de bons boxeurs, et que je ferais mieux de ne pas les deranger trop longuement pendant leur petit dejeuner, sait-on jamais. Et puis, il se rappelle du dessin anime du kangourou boxeur qui etalait ses adversaires d'une bonne droite.
D'accord. d'accord, je bas retraite, pas envie de me retrouver avec un cocard pour le reste de la semaine, ou je n'aurai vraiment plus une chance contre Balasko cette fois!

Mais cette petite rencontre matinale m'a redonne la forme, et je saute dans tous les coins en criant "Bo-ing, Bo-ing". ca ne m'a pas arrangee de rencontrer les marsupiaux, mais au moins, je suis prete a partir avec Philippe pour une nouvelle ascention des sommets! Mieux qu'un Strepsil : un kangourou pour le petit-dej, et ca repart!

Nous partons pour l'ascention du Mont-Rosea, toujours aussi confiants quant a l'amelioration du temps... mais finissons une fois encore trempes jusqu'aux os, arroses par dix tornades vengeresses. Philippe est encore bien plus a essorer que moi, on a beau dire, la casquette ne vaut pas un parapluie, et le ridicule ne m'a jamais tuee! Je fais surtout meilleure figure sous les grelons, parce que oui, on a meme droit aux grelons.. Et n'oublions pas que nous sommes en equivalent mois de juillet, ici!

Nous approchons du sommet, pourtant, il parait que c'est le plus beau point de vue de tout le Parc Naturel. C'est sans doute vrai, mais la on se contente de le deviner, cantonnes aux marques au sol et a l'adhesion des pieds sur la roche detrempee, ne nous dispersons pas. Une belle eclaircie nous fait pourtant croire a la clemence des cieux lorsque nous touchons au but. Mais le temps passe du blanc au noir sans crier gare, il n'y a pas de demi-mesure ici, le gris n'existe pas. Soit le soleil brille de son plus beau rayon, soit nous tombons dans une puree de pois sans percee. Et bien sur, nous avons encore crie victoire trop tot, le ciel se referme sur nous a 500 metres du point de vue, et nous sommes laceres par les grelons. Plus aucun espoir de voir la vallee se dessiner devant nous, nous battons en retraite. Nous croisons plusieurs randonneurs resignes, au bout de leurs forces, qui nous demandent avant de tourner de l'oeil : "c'est encore long?". Oui, c'est TRES long, et vous allez en baver mes petits!

Nous redesendons, encore deux heures de marche sous le ciel dechaine, et nous arrivons au parking en rampant!
Assez d'heroisme, l'entrainement de GI suffira pour cette fois. La prochaine fois, on ira faire des pompes et ramper dans la boue au milieu d'un tunnel de pneus a la caserne d'Illkirch, et puis on aura peut etre une chance d'etre selectionnes pour le prochain envoi de troupes au Moyen-Orient!

Mais pour aujourd'hui, ca suffit, allons muscler nos esprits cette fois-ci, suffisamment entraine nos corps! Nous partons donc pour la ville mythique de la ruee vers l'or australienne, Ballarat.


Australian Dream

A Ballarat, on nous rejoue la ruee vers l'or en grandeur nature, pour marcher sur les traces de Picsou au Klondyke. Genial, c'etaient mes chapitres de Mickey Parade preferes, et moi aussi j'ai toujours reve de nager dans un coffre-fort rempli de louis d'or. En plus, la brochure allechante de cette reconstruction historique (Sovereign Hill) nous fait miroiter la peche aux pepites au milieu de la riviere. La vielle banquiere mal degrossie que je suis n'allait pas rater ca, foi de Picsoute!

Mais la deception est de taille : nous voila dans le pendant rate de l'ecomusee de Colmar, sauf que les coiffes alsaciennes sont remplacees par des casquettes de mineurs delavees, et que nos belles maisons de colombages et torchis sont ici d'atroces cabanes en bois. Les figurants se limitent a une chinoise et un orfevre, la chinoise n'etant la que pour faire dementir le racisme anti-yeux brides generalise!

Pas de guide, pas d'explication, juste des salles qui se succedent avec des mecanismes d'extraction des caillous (et de pepites avec un peu de chance) a essayer de comprendre. Philippe rassemble toutes ses connaissances mecaniques pour essayer de comprendre les schemas griffonnes, moteur hydrolique, vacuum, pompes, syphons.. Bref, j'ai rien compris moi, on y va?

Ah et puis j'oubliais de parler du petit film, c'est vrai je suis injuste, il y avait bien un film introductif pour essayer de se mettre dans la peau du pionner de l'epoque. Et devinez quoi? L'Australian Dream, c'est du reve americain brut de decoffrage, des heros eux aussi ces australiens!

Voila le scenario : Bill (tres pauvre, tres malheureux, Bill!) arrive tout droit d'Angleterre, ou d'Ecosse, c'est egal. Bill veut faire fortune. Il a epargne sou apres sou pour se payer le voyage en bateau, qui dure des semaines a l'epoque, entre Grande-Bretagne et Australie. Bill a failli mourrir 20 fois pendant la traversee, car il y a des maladies incurables qui se baladent sur le bateau, cholera, dyphterie, etc.. Mais Bill est fort. Il survit a tous ces fleaus. De la graine de star, deja!

Notre heros debarque enfin, epuise apres des semaines d'eprouvant voyage, a Ballarat. Il s'aquitte de la taxe de mineur, parce que l'affreux gouvernement fait son beurre sur le dos de l'espoir, comme dans nos casinos d'aujourd'hui, puis s'achete tout le materiel necessaire, la pioche, le tamis, le saut. Puis il creuse, il creuse, des jours durant, il a des ampoules partout, les mains calleuses, il est presque mort, et toujours pas de petite pepite accrochee a son tamis. Bill se tape la tete contre les murs "que vais-je faire, que vais-je faire?". Il depense son dernier denier pour s'acheter a manger, puis se croit condamne. Mais non! C'etait compter sans Jo, le vieux Jo a la barbe de ZZ Top. Jo a confiance, il a tout de suite remarque que Bill avait du gagnant en lui. Il lui donne trois roupies pour qu'il puisse creuser un jour de plus.

Et la, je vous le donne en mille : bingo! Bill est milliardaire, il a trouve la plus grosse pepite de toute la contree, peut s'acheter un palace, femme et enfant.. Et creer la societe Bill, Jo and Co, la mettre en bourse, et inonder le marche d'actions Bill and Co!!

Yeah!!!

PS : jusqu'au crash de 1930, mais ca, ils ont oublie de le mentionne!!


Pause nostalgie


Sur la route Ballarat-Adelaide, petite pause nostalgie a.. Hahnsdorf!! Mais non, ce n'est pas un mirage, il y a bien une oasis de choucroute au milieu du desert. Des Schnitzels se dessinent dans les yeux de Philippe, comme dans les machines a sou : une choucroute, un schnitzel, une biere.. choucroute, schnitzel, une biere..

Il appuie sur l'accelerateur, pret a braver tous les radars du monde pour ne pas laisser refroidir sa Schnitzel, petit detour, et nous arrivons dans cette colonie dans la colonie. Un petit village d'irreductible germains, que l'on ne verrait la aussi qu'a la loupe.
Des qu'on arrive, tout fait vrai : des chapeaux a plumes bavarois, les chaussettes de marche de Bernard (!), les mamies aux cheveux violets comme on les aime, et dans les hauts-parleurs, la chanson de Gretchen au pays des merveilles!

Ah la la, on en verserait presque une larme, tant c'est a s'y meprendre!
Une halte bien meritee pour Philippe, apres 4 heures de route (et a gauche, s'il vous plait, si c'est pas de la performance, ca!), et finalement, ce ne sera ni choucroute, ni Schnitzel, mais une bonne Weisswurst, qui dit mieux?

Bernard, je dois te dire que ta presence ne nous a pas quittee un seul instant, nous t'avons senti avec nous a tous les coins de rue, je t'ai revu devant les plats de notre delicieuse cantine frankfurtoise, petits calamars fris ou saucisse au beurre.. Je te recommande tout particulierement Hansdorf, tu ne regretteras pas le detour!!

Adelaide

Apres Hahnsdorf, nous arrivons a Adelaide. A ne pas confondre avec Victoria, Philippe a decidemment du mal avec les noms de femme, il s'emmele les pedales, entre les differents noms demodes. Enfin, tant qu'il ne m'appelle pas Raymonde, tout va bien! Donc, je recapitule : Adelaide, c'est la ville la plus importante de la province South-Australia. Victoria, c'est le nom de la province contenant Melbourne. Voila, c'est clair, enfin ca devrait!

Sur les photos du Lonely, Adelaide avait l'air atroce. En fait, la ville me plait bien, meme si la encore, on se croirait dans un centre ville allemand des qu'on penetre sur l'unique rue commercante du centre. Nous n'y passons qu'une nuit, alors pour en voir le plus possible, on choisit la pension la plus centrale qui soit. Quelle bonne idee, avez vous deja essayer de loger sur les Champs un samedi soir avec des fenetres qui ne ferment pas, ah et puis j'oubliais, sur un sommier dont un pied se casse a peine on s'asseoit dessus? Petit resume sommaire pour dire qu'on n'a pas ferme l'oeil, j'ai eu beau teste la maniere Yuko Ono en choisissant de terminer la nuit par terre, le bilan n'est pas fameux!

Heureusement, ce n'est pas moi qui conduirait le lendemain matin, a 7h du mat, je ne suis qu'une pauvre femme, et comme chacun sait, une femme au volant est un danger public, surtout quand il est a gauche. He he he, ca a du bon d'etre une faible(!) femme parfois, et je suis ravie de pouvoir continuer ma nuit dans la voiture! Philippe sait conduire les yeux fermes de toute facon, pas de souci, et nous arrivons a bon port et a l'heure devant le ferry de l'Ile aux kangourous. Trop a l'heure, en fait, surprise surprise, il y a 30 minutes de decalages horaire entre la province de Victoria et celle de South Australia, qui l'eut cru?! Et personne ne nous aurait prevenus!


ERRATUM

Merci a Maitre Capello-Aviva et a Olivier, qui sont les deux grands vainqueurs de notre grand jeu concours!
Les deux corbeaux a la tronconneuse (mais au fond, n'etait-ce pas plutot un marteau piqueur??) ne sont pas du tout Bollek et Poppek, mais Heckl et Jeckl!!
Olivier pourra d'ailleurs nous entonner le generique a tue-tete comme musique repondeur, si j'ai bien compris l'etendue de ses multiples talents!

Maitre Capello ajoute que nous pouvions confondre egalement avec Loleck et Boleck, autre dessin anime mais dont les heros ne sont que deux monotones humains.

Merci de votre genereuse participation!


Kangaroo Island


Nous passons deux jours sur l'Ile aux Kangourou, paradis de la faune et la flore. L'ile ne porte pas ce nom poetique parce que de mignons kangourous vinrent accueillir en sautant a pied joints les premiers explorateurs. Non, elle s'appelle ainsi parce que Matthieu Flinders et les autres flibustiers de la bande se sont fait une orgie de kangourous en 1802, abattus pour feter leur decouverte de l'ile!

En fait, c'est amusant, l'ile porte des noms francais au nord, et anglais au sud, parce que deux bateaux d'explorateurs ont decouvert l'ile en meme temps, par deux bouts opposes. Nicolas Baudin au nord, et Flinders au sud. Baudin etant d'ailleurs un gros faillot, il a donne la majorite des noms selon les ministres tenant les cordons de la bourse a l'epoque, ou selon des noms chers a Napoleon!

Ma plus grande decouverte sur l'Ile aura lieu des le premier jour, a Seal Bay. Seal, c'est Sea-lion, le petit nom anglais pour otarie. Ma decouverte, c'est que je suis une sea-lionne reeincarnee. Jamais animal ne m'aura autant fait pense a moi, philosophie de vie et attitudes. Voila, je ne savais jamais que repondre a la question du portrait chinois "si vous etiez un animal, vous seriez..?". Enfin je connais la reponse. Ni chat ni vache, mais otarie!

Etalee sur la roche au soleil, levant a peine la tete pour voir les grands humains apparus sur son territoire, l'otarie baille, se souleve lourdement, et se retourne sans grace pour s'ecraser de l'autre cote. Puis elle se reveille, va tirer les moustaches des copains, mord ses freres et soeurs dans le gras, puis part faire un plouf rafraichissant dans l'eau s'ils ne veulent pas combattre.. Avant de revenir s'etaler au soleil sur le dos! Quelle star! Philippe aussi m'a reconnue, je ne me suis pas revee!

Apres la baie, nous decouvrons Little Sahara, desert de dunes et sable blanc au beau milieu de l'ile, ou je peux enfin realiser mon fantasme de toujours : degringoler en roulez-boulez de 30 metres depuis le sommet! Pas tres mature, comme comportement, Melle Reichardt! Oui, oui, je sais, mais il n'y a personne a la ronde, alors pourquoi se priver (pas comme a la dune du Pyla ou 300 baigneurs m'auraient traite de folle furieuse, vive le Little Sahara ou seuls les fous ont droit d'acces!).

Le soir, nous logeons dans un petit paradis, B&B amenage en suites royales, cela change des dortoires! En fait, tout est redevenu paradisiaque en un coup de baguette magique : retour du soleil, desertion de mes virus, et soiree dans un palace! Et puis, le lendemain matin, nos charmants hotes nous abreuvent de conseils judicieux pour la suite du parcours, tout en nous gavant comme des oies pour le cas on se perdrait dans le Parc National!

Nous partons sur leurs conseils pour la pointe Sud de l'ile, a l'Admiral Arch, ou nous recroisons mes nouvelles copines les otaries (mais neo-zelandaises, cette fois-ci, plus graces que les australiennes pour se proteger du froid!), puis traversons le Flinders Range National Parc, ou nous sympathisons avec un kangourou pas farouche, qui se laisse caresser sans boxer.. Mais toujours pas de koala, decidemment, ceux-la nous fuient!

Enfin, des grottes a n'en plus finir, decoupees le long de la falaise. Ce sont les Kelly Hill Caves, que nous visitons avec un savant ranger, qui peut enfin repondre a mes cent mille questions agacantes : "et pourquoi la terre est rouge, et pourquoi on n'a pas de kangourous en Europe nous, et pourquoi les stalactites poussent plus vite que les stalagmites, et pourquoi..?". Ok, ok, j'arrete, on a un ferry retour a 19h30, et Philippe commence a croire que nous n'y arriverons jamais! L'ile fait un bon 130 km de large, et on n'est pas encore rendus!
Alice Springs et le Desert park

Depart pour Alice Springs le lendemain, on a bien failli ne pas prendre l'avion devant l'atroce constat : plus de cartes de credit dans le porte feuille de Philippe, et pas la moindre idee d'ou elles ont bien pu passer. Jamais retrouvees, d'ailleurs, mais a quoi bon rester a Adelaide alors que nos billets d'avions n'attendent que nous? Nous partons donc quand meme, et Philippe reglera cette tragedie depuis Alice Springs.

La pension ou nous atterrissons est pour le moins atypique. Alice Lodge, ce sont des caravanes aux rideaux bleus et roses ornes de colonies de canards jaunes, un lit hamac qui soude les couples par la force de gravite du creux central, et des clous de 10 cm dans le plafond, histoire que Philippe s'ouvre le crane pour se repentir d'etre trop grand! Et moi qui ai toujours reve de voir mon geant au pays des liliputiens, ca me donne un avant gout de bons fous-rires! Un peu comme le grand sorcier du Seigneur des Anneaux qui entre dans la maison de son ami nabot (pour faire une reference qui plaira a Philippe!).

Le point positif, c'est que les caravanes sont postees autour d'une mini-piscine ou barboter en cas de suffocation aigue. Eh oui, Alice Springs se trouve au coeur du desert rouge, et la piscine est l'element indispensable a la survie du touriste de base! Et nous qui nous plaignions de manquer de chaleur depuis une semaine, nous voila servis! Philippe a la joie de recenser son premier coup de soleil du sejour, et meme l'achat judicieux de bobs safari n'y fait rien. Ceci dit, nous ne testerons meme pas le trou d'eau mis a disposition, preferant le refuge de notre coquette caravane a la brulure vive de la combinaison gagnante eau-soleil!

Mais la raison nous abandonne tout de meme par moments... Le clou du spectacle est de voir le duo de masochistes que nous formons enfourcher un VTT pour partir a la decouverte du Little Desert Park. Nous sommes bien les deux fous de la ville, aucun autre cycliste ne s'aventure sur le goudron brulant avant la tombee de la nuit, du moins nous n'en croisons pas un seul. 3,6 km, qu'ils disaient dans le Lonely Planet... Mouai, alors comment se fait-il que nous pedalions encore une heure apres, sommes nous vraiment mauvais, ou le Lonely a-t-il des instruments de mesure esoteriques? Mystere et boule de gomme, en tout cas, on y est toujours trois rotations de lune et 500 gouttes de sueur plus tard, et en piteux etat!

Ecrevisses et flageolants, nous posons enfin pied a terre devant le fameux Desert park, ou nous commencons heureusement par un show de rapaces ou il suffit de s'asseoir et d'applaudir. Des aigles et autres oiseaux de proie majestueux volent au dessus de nos tete, et viennent faire des piquets de nez a 10 metres de nous pour attraper des morceaux de viande ou autres appats, tandis que leur eleveur nous raconte leurs moeurs et coutumes dans le micro. Un show impressionnant, suivi d'une petite conference sur les plantes medicinales du desert employees par les aborigenes (la conferenciere ressemble comme deux gouttes d'eau a ma deesse de cousine, Fanny-la-grande!).

Et puis les conferences finies, il ne nous reste theoriquement que 30 minutes pour nous promener dans le reste du parc et decouvrir les differentes salles, ca nous apprendra a faire les malins et venir a velo, il est deja 17h30 et nous n'avons presque rien vu du parc a proprement parler. Mais Philippe decide de jouer au rebele, et profiter de la fermeture du parc pour le visiter ni vu ni connu. Quelques montees d'adrenaline quand meme, lorsque nous croisons la petite camionnette du nettoyeur (mais il est ivre, ou moitie aveugle, il ne reagit pas en tout cas), et surtout lorsque nous visitons la "nocturnal house", vaste salle dans le noir, ou ne brillent dans la nuit que les yeux de serpents en cage, rongeurs hybrides comme la souris-kangourou, ou hibou a la bouche de grenouille. Philippe me presse pour en repartir "euh.. je crois que la probabilite qu'on se fasse enfermer par le nettoyeur s'accroit dangereusement!". Ah la la, et apres c'est moi la faible femme?!
Bon, on en ressort quand meme, j'avoue avoir eu aussi peur d'une souris effrontee, vague parente de speedy Gonzales, courant comme une deratee avant de s'ecraser contre la vitre! On continue par l'enclos des kangourous et des emus.. Mais la, grosse deception, ils sont deja au lit, pas de chance.

Ne restent que la voliere. Ni Philippe ni moi ne sont fans d'oiseaux en cage, mais cette fois-ci c'est fantastique. Des centaines d'oiseaux volent autour de nous, pas en cage a observer de l'exterieur mais vraiment au milieu de nous, dans une enorme serre ou il passent de branches en branches. Des perroquets princesse, oiseaux-miels rouges, des pigeons punks (crested pigeon, litteralement, mais ca ressemble pas mal a la coupe de punks anglais!). Je me revele photographe en chef de volatiles, du moins je le crois jusqu'au developpement lamentable d'une pellicule gachee par des oiseaux farceurs. Tout est flou, et c'est bien la derniere fois que je me prendrai au jeu de la photographie animaliere!

Voila, la nuit tombe et on aura vu tout le parc, en tete a tete avec les animaux de surcroit, quelle bonne idee de contourner les lois! Derniere frayeur a la sortie : le grillage est abaisse, et on se voit deja grimper par dessus les murs d'enceinte.. Mais avant, verifions quand meme que la petite porte ne s'ouvre pas de l'interieur! Ouf!! C'est le cas. Heureusement, nous comprenons une fois sortis que nous aurions finis brules sur les fils electriques, derniere bonne surprise une fois le mur de pierre enjambe!

Fin des frayeurs, place a l'emerveillement. Le retour a velo est une splendeur, incomparable avec la torture de l'allee. Une bonne fraicheur et un petit vent caressant rendent le trajet reellement agreable apres la canicule de la journee, et le soleil se couche face a nous, nous accompagnant de ses rayons roses jusqu'a notre arrivee a Alice Springs!


Safari Outback


L'Outback est le terme general pour nommer l'Australie du centre, par opposition aux villes cotieres plus peuplees, Sydney, Cairns ou Melbourne. En fait, au dela d'Alice Springs, il n'y a pratiquement aucun centre de peuplement dans l'Outback. Les aborigenes y vivent toujours, mais disperses et nomades, et les blancs n'ont pas envie d'aller se decomposer au milieu de zones arides et impraticables. la seule raison pour laquelle Alice Springs existe semble avoir ete pour permettre aux premiers explorateurs de marquer une pause dans la traversee eprouvante du nord au sud, entre Darwin et Adelaide.
Aujourd'hui, cette ville sert aussi de base pour les touristes comme nous qui veulent partir a la decouverte des mythes du desert rouge : le King Canyon, Uluru (nom aborigene pour Ayers Rock, terme qui recommence a supplanter l'appellation anglaise), et Kata Tjuta, autre formation rocheuse surprenante.

Il est donc possible, et recommande, de prendre Alice Springs comme point de depart pour l'exploration du desert rouge. Louer une voiture est en revanche hasardeux, d'une part parce que les routes sont peu frequentees donc pas d'assistance a personne en danger en cas de probleme, d'autre part parce que les stations services sont rares et eparses, donc mieux vaut ne pas en rater une au passage. Derniere raison pour preferer un bus : la route du desert comporte un peage (eh oui, meme au fin fond de la brousse, les percepteurs de taxes auront votre peau!), et le bilan des couts parle aussi en faveur du bus.

Qu'a cela ne tienne, nous allons chercher un bus, et puis pendant quon y est, pourquoi ne pas choisir l'option du tour organise en groupe, de maniere a optimiser le peu de jours dont dispose encore Philippe? Une fois n'est pas coutume, nous optons donc pour le tour groupe, revant secretement de tomber sur un guide avise qui nous parlera des heures et avec passion du desert central.

Erreur, quelle erreur, o combien tragique! Nous n'evitons d'habitude pas les groupes pour rien, et fallait-il vraiment que nous traversions un tel calvaire pour nous rappeler pourquoi?

Les trois premieres minutes d'apparition du guide me laissent presager le pire, mais il est 7h du matin, je suis mal reveillee, et peut etre mon jugement hatif est-il injuste, du moins j'aime l'esperer..
Ce n'est pas parce que le malheureux est affuble d'un facies a la Raymond Barre dans le Bebete Show et qu'il parle en machant ses mots comme un fumeur Marlboro dans un ranch avec un chapeau de faux cowboy sur le nez qu'il faut le condamner d'entree, non non, attendons! Et puis, Philippe est toujours aussi optimiste, il m'enjoins de lui laisser une chance, soyons tolerants!

Je veux bien, je vais me rendormir sur la banquette du bus en attendant de me reveiller plus clemente. Je mange mes barres de cereales au lieu de ruminer et je me tais, promis!
Enfin, j'aimerais bien me rendormir, s'il arretait de vociferer dans son micro avec un accent de vieux ranger, mais a-t-il la bouche pleine ou c'est moi qui regresse en anglais?

Ah, ca y est, il se tait enfin, je peux me rendormir. Pause de 20 minutes au plus, et puis ca repart. "Et maintenant les enfants, vous allez tous passer devant et vous presenter a vos petits camarades, en n'oubliant pas de preciser votre couleur et votre animal prefere!". Quoi??? Horreur et desespoir, mais de quoi je me mele, ma couleur prefere, et puis qu'est ce que ca peut te faire que j'aime les sea-lions, d'abord?? Welcome a Sup de Co, l'enfer is back, et bientot on chantera tous ensemble "Ami Philippe ami Philippe, leve ton verre, et surtout, ne le renverse pas..".

Berk, j'ai la nausee, d'affreux souvenirs d'orgies reimoises et des relents de mauvais champagne, mais est-on vraiment oblige de passer par la quand on part pour une innocente visite guidee? Ah ben oui, parce que la, ce ne sont pas deux heures de visites qui nous attendent, mais 3 jours, tous ensemble, et soudes, s'il vous plait! Au secours!! Dites moi que je vais me reveiller et que ce n'etait qu'un mauvais reve, dites moi surtout que nous n'avons rien paye pour ce cauchemard et que nous pouvons prendre nos jambes a nos cous des que nous le decidons!!

Mais non, il faut continuer, on a paye et si on n'est pas content, on va se faire debarquer avec un coup de pieds aux fesses au fin fond du desert et sans bouteille d'eau, alors vaut peut etre mieux pas le provoquer! Bon, que nous reste-t-il comme recours? Je passe en revue a 100 milles a l'heure les differentes possibilites qui s'offrent a nous pour nous defiler, je ne trouve rien.. J'ai bien la lumineuse idee de jouer a la pauvre francaise qui ne comprend pas un mot d'anglais et dont le handicape (Sprachdefizient, ca rappelle des souvenirs!) l'empeche de sympathiser avec quiconque, mais j'ai pitie de Philippe qui devra me servir d'interprete pendant trois jours!

Et pendant que je suis a l'agonie, nos nouveaux amis se prennent au jeu, vive le royaume des moutons, chacun se plie au bon vouloir de notre nabot de guide, qui ricane grassement a poser des questions salaces a tous les couples "et vous, alors, vous vous etes rencontres bourres dans un bar, et vous avez couche le premier soir?". J'avoue, c'est pas mal comme entree en matiere, et puis comme ca, on n'est sur de penetrer sans detour dans l'intimite de tout le groupe, il n'y a rien de tel pour rapprocher les gens! Pour les celibataires, les questions sont agrables aussi :"But you fuck sometimes?"

Arrive notre tour, Philippe va a l'abattoir avant moi, sa strategie consiste a deblaterer notre vie d'une voix monocorde et ininteressante, ca marche, notre vie sexuelle n'interesse personne. A la question "couleur preferee, animal prefere", il repond "blue et cat". Passionnant, je decide de faire de meme, pour captiver mon auditoire. Encore plus monocorde que Philippe, et avec les memes gouts apparents que lui, "blue et cat", c'est bon, personne ne nous adressera la parole et notre cher guide ne m'en demandera pas plus. Nous sommes classes dans la categorie "couple de clones, de la race de ceux qui s'achetent le meme anorak et les memes birkenstocks!". Youpiiii!!!! On a reussi a eviter tout dialogue, un bon premier pas vers l'autisme salvateur!


Concours de patience et de tolerance

Premiere etape autiste reussie haut la main, mais ce n'etait que la premiere! Il faudra de la patience, de la maestria et une mauvaise volonte a toute epreuve pour meriter notre diplome d'associaux. Mais notre guide bien aime nous y aidera largement, heureusement qu'il etait la pour nous insuffler a chaque commentaire stupide une nouvelle raison de se refermer sur nous meme et ne parler a personne!

Mais pourquoi tant de haine, vous demandez-vous peut-etre? Suis je aussi intransigeante parce qu'il ne sait pas parler sans vomir ses mots et parce qu'il a une tete ecrasee de chien de prairie selon Philippe? Ou parce qu'il se croit irresistible dans son petit short de ranger moulant, et qu'il laisse depasser fierement sa fourrure de poils ventraux de sa chemise grande ouverte? Ou peut etre encore parce qu'il nous raconte de bonnes blagues sur la vie sexuelle des koalas au lieu de nous parler de la faune du desert?

Difficile de faire un palmares du comment du pourquoi de mon incroyable allergie a son egard, mais je suis rassuree de voir au fur et a mesure cette allergie partagee par quelques uns de nos compagnons de bus. Peut etre est-ce du a ses commentaires tres constructifs sur les Olgas : "Et maintenant, admirez la silhouette d'Homer Simpson couche avec une canette de biere sur le ventre!". Ah!! Desole, ca ne me fait pas rire, t'as pas autre chose a nous raconter, monsieur-le-guide-qu'on-a-embauche-pour-apprendre-quelquechose???

Je suis verte, ma patience legendaire m'abandonne, et meme l'optimisme a toute epreuve de Philippe commence a s'ecailler.

"Et maintenant les enfants, je vais vous arreter au milieu de la route, et vous allez me ramener du bois sec pour le feu de ce soir!". "Ah non, pas celle-la, elle est trop seche! " "Ah non, pas celle la, elle est trop petite!", "Trop grande!".. Dis, tu les veux sur la tete, tes branches??

Je crains le pire pour la veillee autour du feu ou on devra se saouler et chanter nu l'un apres l'autre sur la table! Heureusement, tout le monde est epuise apres la randonnee par 50 degres dans le King canyon, et ce genre d'idee lumineuse n'a plus la force d'eclore, quel dommage! Enfin, il faut surtout dire que notre genie de guide ne reusssit a mettre le feu en route pour le diner qu'a 10 heures du soir, et qu'une fois rassasie, tout le monde va s'ecrouler sous sa tente dans l'attente du lever a 5h30. Pas le temps de s'eterniser a faire des streap-tease a la belle etoile!

Philippe et moi faisons une fugue de toute facon pour aller admirer les etoiles, ca au moins il ne nous l'enlevera pas, le ciel est magnifique, peuple de milliards d'etoiles que l'on voit plus clairement que jamais, a mille lieues de la premiere ville illuminee. C'est drole de voire la grande ourse la tete a l'envers cette fois-ci. Je me souviens que j'ai les pieds au dessus de vos tetes, ou inversement!

Et puis, ce que le chien de prairie ne nous aura pas enleve non plus, c'est la beaute du desert, la splendeur du canyon, la magie des couleurs. Sa question "votre couleur preferee" parait un tout petit peu moins stupide au coeur du desert, ou la franchise des couleurs est frappante, la juxtaposition du bleu ciel ou marine avec le rouge-terre le plus sanglant, et le vert de la vegetation qui parait une anomalie naturelle au sein de l'aridite ambiante.

Caricaturer pour oublier


L'avantage lorsque l'on dispose d'une icone aussi caricaturale que notre Glen adore (petit nom de notre bourreau), c'est que cela fournit une source inepuisable d'imitations et de bonnes blagues a Philippe. Il ne tarit plus, et me rejoue tout le best-off de la journee avant de s'endormir, marque dans sa chair par tant d'episodes traumatiques. "Okey Dokey?", interjection preferee de notre savant guide, revient en hockets convulsifs dans la bouche de Philippe, sans plus de repos possible. "Well, cette roche a ete creee il y a.. euh.. 5 milliards d'annees! Yeah!! Euh, non, c'etait il y a.. 300 millions years, yeah! well, euh.. il y a 100.000 ans! Well, that's bloody old, guys! That's all you need to know, guys, Yeahh!!"

Le couple d'Allemands qui partage notre tente est la seconde source de parodies nocturnes. Jan et.. mais comment s'appelait-elle, son hysterique de copine? Je ne sais plus, je me souviens en revanche on ne peut mieux de ses hurlements nocturnes a chaque mouvement de son sac de couchage. "Jan?? Bist Du es?" chuchote-t-elle peureusement a chaque bruit de pas dehors, a chaque craquement de planches. Jan est passionnellement amoureux et devoue, il ne rechigne pas a chacune de ses requetes et se plie a son bon vouloir pour inspecter ses chaussures, son sac de couchage, ses chaussettes et garantir qu'ils ne contiennent aucun serpent ou araignee, pour que sa belle puisse dormir sur ses deux oreilles.

"Hilfe, das Tier ist im Schlafsack", repete Philippe entre deux hoquets et deux Ok Dockey, il ne sait plus qui imiter, nous sommes cernes de one man shows inenarrables. Et "chapeau rose" reprend de plus belle (chapeau rose est finalement le seul nom qui restera de notre belle hysterique, puisqu'a defaut d'avoir un prenom marquant, elle arbore un magnifique bob rose qui lui avale toute la figure): "Awa, Das Tier kehrt zurück!"

Ils nous tiennent eveille la moitie de la nuit avec leurs soubresauts et hurlements, alors pas de pitie : Philippe reprend de plus belle ses "Okey Dockey" a la maniere du cowboy illetre. Ca fait passer le temps en attendant qu'ils se taisent et qu'elle oublie un instant la faune du desert!

L'autre occupation a laquelle nous nous adonnons pendant ces trois jours est une enquete tres fine. L'objet est s'assurer que le suisse allemand du groupe est reellement pretre comme il pretend l'etre. Une barbe de dandy savammant entretenue a la George Michael, une boucle d'oreille, un tatouage.. Une tendance a loucher sur le decollete des filles, une abnegation le poussant a masser les pieds des femmes souffrant de trop de marches dans la nature... Et puis, un T-Shirt blanc moulant, une dent de requin autour du cou en guise de crucifix, et, comble de l'horreur.. Une inclination a sympathiser avec Glen, notre guide cauchemardesque. Et ca se dit pretre, ca? Pas pasteur, non, pretre catholique, dans une petite paroisse du Valais. Je crois rever. Mon souvenir de cures souffelois n'est pas tout a fait conforme a ca, mais peut etre serait il justement temps de retourner a l'eglise pour mesurer l'evolution du clerge?!

Nous sommes tres sceptiques au depart, croyons au canulard lorsqu'il se presente dans le bus, et repond calmement aux questions salaces de Glen qu'il n'a pas de vie sexuelle parce que pretre. Puis peu a peu, la probabilite qu'il dise la verite s'accroit a nos yeux, il finit par nous convaincre par sa simplicite. Il suffit de se remettre du choc de son excentricite, s'habituer a ses Hiolallaoutis pousses a pleins poumons a la maniere de Heidi dans les Alpes, et tout le monde y croit!

Il nous raconte ses messes avant-gardistes, ou toute sa paroisse est prise de fou-rires lors de ses preches remis au gout du jour, il avoue mentir comme tout le monde et se confesser apres.. Il s'auto-absout devant un miroir, mais de peur qu'il ne casse, fait plutot appel a un de ses collegues! Son eveque le deteste, dit-il, mais il y a si peu de nouveaux pretres pour remplacer la generation partant en retraite qu'il est oblige de s'y faire. Et puis, notre pretre new-wave est egalement membre du tribunal du diocese, ce qui le rend indispensable au clerge suisse! Les vieux de sa paroisse ont eu du mal aussi, dit-il, mais l'adorent maintenant!

Ridicule handicap


Lorsque nous nous separons enfin de ce savant melange de guide et de compagnons tries sur le volet, un sentiment intense de delivrance nous submerge. La resurrection, la liberte, et surtout, la fin du cauchemard! Tout parait merveilleux aux bagnards relaches, la clim, la chambre et ses vrais lits, le poisson grille, la Corona devant le concert d'un vieux rocker, et meme la piscine et ses effluves de chlore a se sentir mal. Philippe se sent revivre, le sourire de jocker reprend ses droits, et les hoquettements Okee Docee commencent a s'estomper!

Helas, la liberte est toute conditionnelle. Philippe a tout juste le temps de gouter a l'air du large qu'il est deja rappele a sa prison doree. L'ami Roland n'aime pas attendre, et il ne faudrait pas le laisser mariner! Nos chemins se separent donc ici, Philippe s'envole pour Paris, moi pour la cote Est, et me revoila comme une ame en peine a arpenter les rues de Cairns dans ma solitude!

Mais Cairns soigne mes blessures, cette ville offre un contraste saisissant par rapport au desert. Je suis de retour sous les tropiques, la ville est cernee de montagnes a la vegetation luxuriante. Une seule ouverture sur l'ocean et sa barriere de corail, tout le reste est encercle de jungle, palmiers et fleurs tropicales.

Mon auberge est splendide, un peu a l'exterieur de la ville ce qui assure mon sport de la journee a chaque excursion, presque 1 heure de marche aller-retour, mais cela en vaut bien la chandelle. Des chambres spatieuses autour d'une vaste piscine, cela faisait longtemps que le hasard n'avait pas aussi bien fait les choses!

J'y passe malheureusement bien plus de temps que prevu. Ma premiere et unique(!) decouverte de la barriere de corail au large de Cairns se solde par un grave handicape, qui m'empechera definitivement de partir a l'aventure pour le reste de la semaine.. Non, non, ni bras casse ni cage pulmonaire eclatee par la depressurisation... Mieux, beaucoup mieux, voici le handicape du golio, le handicape qui mele la souffrance au ridicule, sans qu'on ne sache plus bien ce qui est le plus douloureux : le handicape des fesses cramees!

Eh pourtant non, je ne barbotais pas en string leopard avec mon masque et tuba, comme le supposait perspicacement Delphine! Enduite de creme solaire des pieds a la tete... cuisses exceptees... mon badigeonnage d'ecran total ayant eu lieu AVANT enlevage du short! Bien joue, et voila comment se gacher le reste des vacances, ou du moins, le reste de la semaine, heureusement que mes vacances sont infinies!

Allongee sur le ventre et enduite de baume apaisant et antiseptique, me voila condamnee a ne plus bouger pour le reste de la semaine, tout mouvement me faisant hurler a la mort. Je n'ai plus qu'a rever de Cooktown, Cape Tribulation et Port Douglas, hauts-lieus de rafting, plongee et randonnee que je verai dans une seconde vie, a defaut d'avoir pu aller les decouvrir supportee par des fesses en bon etat! Eh oui, ceci fait egalement partie des enseignements de cette douloureuse semaine : les fesses sont le maillon central de toute articulation. Sans elles, ni marche ni assise, ne reste que la position du legume ecrase par le poids du monde!

Encore en convalescence pour les jours a venir, je decide de ne pas perdre plus de temps a compter les lezards du mur, et vais heroiquement prendre mon vol pour Sydney. Trois heures de torture entre Cairms et Sydney sur les sieges de Qantas, mais du moins ne serai-je plus en quarantaine a Cairns, recueillie par la providence sous les traits de Marjorie, ma nouvelle amie canadienne installee a Sydney pour 8 mois.

Symphonie au Domain

Je ne cesse de me louer d'avoir precipite mon arrivee a Sydney. Tant pis pour le sport et les randonnees, voici enfin un peu de culture! Je tombe par hasard en plein festival annuel, festival comparable a celui d'Avignon ou celui d'Edinbourg par sa duree. Un mois de theatre et de concerts, j'arrive a pic! La culture m'avait paru inexistante dans ce pays jusqu'a present, les australiens ne m'avaient pas franchement seduite, mais voila qu'enfin je peux decouvrir la face cachee de l'Australie.

Ma premiere soiree se passe dans un parc gigantesque, the Domain, ou Marjorie m'emmene assister a un concert en plein air. Nous y rejoignons une de ses amies.. une bonne soeur! Decidemment, je me dis que mes rencontres australiennes seront sous le signe des serviteurs de dieu, aussi degentes soient-ils! Parce que cette bonne soeur, Margareth, est tout aussi surprenante que notre pretre valaisien. Elle est venue avec un groupe de soeurs et freres de sa paroisse, et tous se saoulent au Chiraz, vin rouge australien, rient de bon coeur en pariant sur leurs billets de tombola, et accostent les voisins de gazon en les supposant stars de cinema! Margareth est la plus dechainee de tous. Elle hurle "Tu me le paiera, Sarah!" en entendant le prenom de celle qui vient d'empocher le gros lot de la tombola! Decidemment, n'y a t-il qu'en France ou les catholiques sont aussi rigides?

Des symphonies de Tchaikowski sont a l'honneur, un petit prodige de piano execute des solos avec brio, et nous nous endormons a la belle etoile devant un pic-nic gargantuesque, entourees de milliers de spectateurs qui font de meme. Le petit prodige est manifestement chinois, mais on l'encense comme genie australien. Les australiens sont comme les francais : le racisme est une loi generale, mais un Zidane ou une Marie-Jo Perec sont de bons francais, surtout lorsqu'ils empochent quelques medailles d'or!

Nos voisins de gazons sont equipes pour l'occasion, beaucoup mieux que nous ne le sommes, nous n'avions pas prevu l'ampleur de la tradition. Les tapis de pic-nics, les glacieres, des montagnes de salades, fromage et bouteilles de vin, et des bougies magiques agitees par centaines par des australiens en transe lors de l'ultime symphonie, qui prend fin sous les canons et les feux d'artifice.

Derniers mots sur Sydney

Salut a tous!

Enfin un peu de temps pour reprendre ces carnets, et comme toujours, il est temps d'actualiser avant que tout ne tombe aux oubliettes! Le temps file, les pays et les frontieres aussi, et il me faudrait ecrire plus regulierement pour tout garder. Mais le voyage passe en priorite, et les paysages defilent avant que j'ai eu le temps de les immortaliser.
Encore quelques mots sur Sydney avant de basculer en Amerique Latine!

Cette ville me plait decidemment beaucoup, melting pot absolu de toutes sortes de nationalites et cultures, enfin une ville qui ressemble a l'image que j'avais de l'Australie, pays de migrants ouvert a tous. Meme si le cliche est faux, que de nouvelles manifestations ont lieu dans tout le pays pour protester contre le traitement des refugies par le gouvernement, il n'en reste pas moins que les rues sont peuplees d'asiatiques, de couples mixtes, et que le statut europeano-asiatique du continent semble enfin prendre sens.

Bien sur, le reve de l'integration est toujours relatif, et la cohabitation des deux cultures n'est parfois que juxatposition de quartiers, avec mauvaise volonte de part et d'autre.
Nous passons plusieurs soirees avec Christophe, cousin de Marjorie, et son amie japonaise, Tamaki. Les japonais a l'etranger, a l'instar des francais, preferent rester entre eux et ne pas se meler a la population locale. Tamaki est un bon contre exemple, mais sa colocataire deteste les blancs, et ne daigne jamais nous adresser la parole. Il est bon de s'apercevoir que le racisme est a double sens! Tamki nous concocte un curry japonais, et sa charmante amie part bouder ostensiblement dans sa chambre!

Tamaki est une excentrique, un bon melange de tradition et de modernite, en porte a feu entre les deux. Terriblement disciplinee, elle obeit a Christophe au doigt et a l'oeil, jusqu'a ce qu'il lui demande d'arreter, gene par toutes ses prevenance. Par obeissance, elle desobeit, accepte de ne pas faire la vaisselle pour se conformer a l'image de femme rebele que desire Christophe!

Amusant aussi, notre longue discussion sur les systemes scolaires. Marjorie et Christophe encensent le systeme quebecois par rapport au francais. Moins de vacances, mais aussi moins d'heures de cours par jour, avec des journees finissant a 3h30. Christophe demande a Tamaki :
- est-ce vrai que les horaires de cours au Japon sont abominables pour les etudiants, et que c'est le systeme le pire au monde?
- Non non non, repond elle souriante, nous on finit a 13h, et on a dix minutes de pause entre chaque cours!
- Ah?? Grand etonnement de notre part.. Mais.. Et apres, tu fais quoi, tu as des devoirs?
- Non non non!
- Ah? Mais alors.. Tu fais quoi, du sport, des activites..?
- Oh, non, apres on va a un autre endroit, et on a d'autres matieres a apprendre!
- Une deuxieme ecole, donc?
- Oui, c'est ca, jusqu'a 20h, parfois 22h, repond elle tout sourire.
- Ah, ca change tout.. Et apres, tu as des devoirs?
- Oui, oui! Parfois, on se couche a 3 heures du matin, et puis on se leve a 6 heures(tout sourire, encore!).

Exemple d'echanges culturels ou les perceptions different quelque peu!

Vive les regimes.. des autres!


Ah, et puis avant de finir sur l'Australie, une derniere anecdote sur les australiens et leur candeur. Pires que les americains si c'est possible, les australiens restent de grands enfants a tout age, mais enthousiasme et optimisme a toute epreuve font toujours plaisir a voir, au fond!

Dans l'avion qui me mene a Auckland, escale obligee avant Buenos Aires, une belle quincagenaire s'assoit a cote de moi, surexcitee et terriblement emue a la perspective de prendre l'avion et de devenir star d'un jour en Nouvelle-Zelande. Elle m'annonce, au bout de deux minutes de vol, qu'elle va realiser le reve de toute femme. Ah bon, quoi? Sauter en parachute, grimper sur des sommets, faire de la plongee sous marine dans un banc de baleine? Non, non, son reve consiste a se faire coiffer, maquiller, habiller par des professionnels, et raconter sa vie a la tele! Ah!! Bon ben c'est bien, je lui laisse son reve sans etat d'ame!

Elle m'explique qu'elle a ete choisie entre des milliers de femmes americaines, australiennes et neo-zelandaises par le magazine Woman Weekly, pour aller tourner un spot publicitaire relatant sa perte de 20 kg! Photos a l'appui, avant et apres, et le secret a divulguer. En fait, ne vous rejouissez pas trop les filles, comme d'habitude il n'y a pas de secret, Weight Watchers nous roule dans la farine : il faut simplement boire beaucoup et arreter les Twix, merci on avait compris!

Bon, meme s'il n'y a pas de secret a apprendre en avant-premiere, je suis quand meme ravie de l'avoir a mes cotes : j'ai de la place pour deux dans l'avion, je peux prendre mes aises, et la moitie de son plateau-repas me revient de droit... Il ne faudrait pas qu'elle reprenne ses rondeurs avant d'avoir tourne son spot!

 

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