ARGENTINE - II
(1/3 - 15/3/2002)
Ushuaia
Ushuaia, nous voila! On y aura mis le temps, mais nous atteingnons enfin la
ville du shampoing douche en debut d'apres midi, et sommes d'embles charmes
par cette petite bourgade encaissee. Contrairement a ce qu'on aurait pu penser,
ce n'est pas ici que souffle le vent du bout du monde. Apres Puerto Natales,
je n'ai pas retrouve de bout, et meme a l'extremite sud du continent, rien ne
signale la fin. Ushuaia est une ville portuaire bordee de montagnes enneigees,
et le cirque des glaciers ne libere pas l'horizon pour suggerer la fin. La ville
est toute en cotes, un petit air des rues de san Francisco ou de Vancouver en
miniature, selon Deanne.
Nous elisons domicile a l'Albergue Saint-Christopher, qui s'avere etre le centre nocturne de toute la ville. Notre dortoire donne sur la salle de fiestas, de la musique bresilienne toute la nuit a pleins decibels, et j'entends Deanne marmonner chaque soir avant de s'endormir "ce n'est pas une tres bonne auberge, en fait!", mais l'ambiance est agreable, et on s'habitue a tout, je finis par aimer m'endormir dans les hurlements et les tambours. "L'homme est un animal d'habitude", parait il. Et puis, comme dirait Deanne, apres plusieurs mois de voyage, on finit par ne plus remarquer le matelas troue, les planches cassees, le chien qui dort dans la couchette d'en dessous.. Ce n'est pas tout a fait vrai, mais la musique bresilienne n'est pas la pire des plaies!
Julio nous quitte le deuxieme jour pour rentrer a Comodores. Quant a nous, nous poursuivons notre entrainement intensif de bulldozers des montagnes, Deanne reprend le coaching comme en l'an 40, et se venge du glacier manque au Torres. Nous partons a la decouverte du Parc National Tierra del Fuego, et realisons un nouvel exploit de condensation de 3 randos balisees en une.
Fugue au glacier Martial
Apres trois nuits de musique bresilienne en boucle, une pause silence finit quand meme par s'imposer. L'idee lumineuse nous est suggeree par Yohann et Celine, deux francais rencontres dans l'auberge, qui nous racontent leur retraite dans le refuge du glacier Martial. Nous nous y rendons sac au dos, equipees de pijamas et brosses a dents comme tout apparat. L'ascention est abrupte une fois encore, et je sens les courbatures de la veille qui rouillent mes mollets rigides. Deanne caracole en tete, comme toujours, et atteint le refuge une heure avant moi. Pas grave, je suis habituee, ca fait longtemps que j'ai mis ma fierte de cote!
Le refuge est tenu par Claudio, ami de Sebastian, le proprietaire de l'Albergue Saint-Christopher. Les deux sont faits dans le meme moule, meme humour au vitriol et meme folie legere, il n'y a que la musique bresilienne qui les separe, heureusement! Deanne et moi sommes les seules touristes ce soir, et Claudio nous fait le tour du proprietaire : ni douche ni electricite, que des matelas militaires, et des bougies pour aller aux toilettes! Si j'avais su, j'aurais emmene ma lampe torche, la bougie soufflee par un vent a moins 10 degres en pijama n'etant pas du meilleur gout!
Nous passons la soiree a ecouter Claudio nous raconter sa vie avec un humour ravageur et des exercices de mimes a la Louis de Funes pour que Deanne comprenne aussi. Secouriste de montagne en plus d'etre garde forestier et proprietaire du refuge, il nous explique que sa femme est partie avec sa fille, lassee de le savoir sous des avalanches et de voir tous ses amis mourir. Sa seconde compagne l'a quitte pour un autre. Quant a la troisieme, elle n'a pas encore compris que s'il dort chaque nuit dans un sac de couchage ferme.. eh bien, c'est qu'il n'a pas envie, voila tout! C'est d'ailleurs ce qu'il nous repetera comme lecon du jour a retenir pour mieux comprendre les hommes : "Lorsqu'un homme dort dans un sac de couchage, c'est qu'il ne veut pas en sortir!". Voila la morale de l'histoire, qu'on se le tienne pour dit!
Lorsque nous aurons epuise les reserves de vin du refuge, nous irons tous nous coucher dans un silence de mort, presque terrifiant a cote de la fiesta bresilienne des nuits precedentes. Seuls les murmures du vent et des ruisseaux se font entendre, pour le reste, la foret est muette. Sommeil troublant au milieu du silence, l'homme est un animal d'habitude mais se deshabitue vite! Petit reveil au milieu de la nuit avec la curieuse impression que nous congelons sur place : le feu s'est eteint, et Claudio part en calecons a la recherche de nouvelles buches pour relancer le feu.
Le lendemain, les premiers touristes montes par le telesiege nous reveillent en reclamant leur chocolat chaud. Cela ne se fait pas, de reveiller les gens comme ca! Deanne et moi partons de fait a l'attaque du Glacier Martial, tant qu'a etre reveillees autant partir de bonne heure. Une nouvelle ascention, un nouveau panorama magnifique, et cette fois ci, nous l'aurons vu, notre glacier! Nous pouvons redescendre et meriter notre chocolat chaud, on l'aura bien gagne, celui la!
Pas de douche ni habits de rechange, mais nous ne redecendons pas pour autant sur Ushuaia, aucune envie de regagner la civilisation et le Bresil en CD apres avoir regoute a la retraite spirituelle et auditive. Nous passons donc une seconde nuit en duo de crados dans notre perchoir loin du monde, et une autre soiree avec un Claudio dechaine.
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